Pour être diffamatoire, chacune des allégations ou imputations poursuivies doit se présenter sous la forme d’une articulation précise de faits de nature à être sans difficulté l’objet d’une preuve ou d’un débat contradictoire.
Dans cette affaire, une société, excédée par les propos tenus à son encontre par des internautes sur le forum de discussion lesarnaques.com, a assigné le Président de l’association Les Arnaques.com éditrice dudit forum, en sa qualité de directeur de publication pour voir supprimer les propos qu’elle jugeait diffamatoires.
Elle faisait en outre grief à l’association Les Arnaques.com de se rendre coupable d’actes de parasitisme économique en se plaçant indûment dans son sillage par l’utilisation répétée et abusive de sa dénomination sociale dans son code source afin d’obtenir un meilleur référencement de son forum de discussion sur les moteurs de recherche.
Sur ce dernier point, la Cour de cassation valide l’arrêt de la Cour d’appel de Montpellier qui a jugé que l’optimisation du forum de discussion (notamment via la mise en place d’une adresse mail dédiée à la réception des réclamations éventuelles de ses clients) en vue de faciliter l’accès des internautes aux informations, échanges et discussions qu’il contient ne constituait pas un procédé déloyal visant à tirer profit de la notoriété de la société par un usage abusif de son nom.
En revanche, la Cour de Cassation, au visa des articles 29 de la loi du 29 juillet 1881 et 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales casse et annule l’arrêt de la cour d’appel qui a condamné le directeur de publication du forum Les Arnaques.com.
En effet, la Cour d’appel de Montpellier a jugé que dix-huit des vingt messages incriminés postés sous quatre adresses URL différentes mais faisant toutes référence à une même et unique société, contenaient des propos portant atteinte à l’honneur et à la considération de cette société, en l’accusant directement ou par voie d’insinuations d’arnaquer ses clients ou d’employer des méthodes douteuses, telles que la vente forcée, l’offre de services inexistants, l’abus de faiblesse ou bien encore la publicité trompeuse, sans motiver le caractère diffamatoire de chacun de ces dix-huit messages.
La Cour de Cassation sanctionne la Cour d’appel sur ce point en rappelant que « pour être diffamatoire, une allégation ou une imputation doit se présenter sous la forme d’une articulation précise de faits de nature à être sans difficulté, l’objet d’une preuve ou d’un débat contradictoire ».
Ainsi, « en retenant que la diffamation doit s’apprécier à l’aune de l’indivisibilité de ces messages qui doivent être lus, interprétés et compris à la lumière des autres auxquels ils répondent ou il sera répondu, sans caractériser pour chacun d’eux l’allégation de faits de nature à être sans difficulté, l’objet d’une preuve ou d’un débat contradictoire, la cour d’appel a violé les articles 29 de la loi du 29 juillet 1881 et 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ».
L’articulation précise des faits, permettant, sans difficulté, de faire l’objet d’une preuve ou d’un débat contradictoire est un grand principe des procès en matière de presse au sens large. Principe qu’il convient de ne pas oublier car l’absence d’articulation précise des faits dans l’acte introductif d’instance (citation ou assignation) est sanctionnée de nullité (article 53 de la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881).
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