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Droit moral et œuvre collective: mode d’emploi

parfum

Dans un arrêt du 22 mars 2012, la première Chambre civile de la Cour de cassation rappelle au visa de l’article L.113-5 du Code de la propriété intellectuelle le principe suivant : la personne à l’initiative d’une œuvre collective est investie des droits d’auteurs en ce compris les prérogatives de droit moral.

Cette décision vient en effet rappeler le régime des œuvres collectives dans un contexte conflictuel classique, à savoir un litige opposant une ancienne salariée à son ancien employeur.

En l’espèce, une société de parfumerie reprochait à une ancienne salariée de se présenter sur différents supports et médias comme l’auteur de créations réalisées alors qu’elle était salariée puis prestataire de services au sein de ladite société. Il s’agissait plus précisément de flacons de parfums réalisés par l’ex salariée-prestataire en qualité de « designer » suivant la terminologie utilisée sur ses bulletins de paie.

La question principale posée à la Cour de cassation dans cette affaire était la suivante : la Société [Y], qui a eu l’initiative de la création des flacons de parfum litigieux, est-elle en droit de se prévaloir des prérogatives de droit moral dans le cadre d’une action en contrefaçon ?

A titre préalable et même si cette question ne posait pas de difficulté en l’espèce, il convient de préciser que les flacons litigieux relevaient de la qualification des œuvres collectives telles que visées à l’article L.113-2 du Code de la propriété intellectuelle.

Selon ce texte, une œuvre collective est une «Œuvre créée sur l’initiative d’une personne physique ou morale qui l’édite, la publie et la divulgue sous sa direction et son nom et dans laquelle la contribution personnelle des divers auteurs participant à son élaboration se fond dans l’ensemble en vue duquel elle est conçue, sans qu’il soit possible d’attribuer à chacun d’eux un droit distinct sur l’ensemble réalisé ».

La qualification d’œuvre collective et les conditions dont devait justifier la Société [Y] n’étant pas au cœur de cette affaire, la Cour de Cassation devait, pour répondre à la question qui lui était posée, s’intéresser au régime de ce type d’œuvres.

Ainsi, dans un attendu de principe concernant le second moyen de cassation, la première Chambre civile considère que :

« Vu l’article L.113-5 du Code de la propriété intellectuelle ; Attendu que pour déclarer la Société [Y] irrecevable à agir sur le fondement de l’atteinte au droit moral d’auteur, l’arrêt énonce que, si Mme X… demeure titulaire des prérogatives du droit moral qu’elle détient sur ses propres contributions, la Société [Y] n’a pas qualité de créateur et ne peut donc prétendre être titulaire du droit moral attaché à la personne de l’auteur ; Qu’en statuant ainsi, alors que la personne physique ou moral à l’initiative d’une œuvre collective est investie des droits de l’auteur sur cette œuvre et, notamment, des prérogatives du droit moral, la Cour d’Appel a violé le texte susvisé. »

(Cf. Cass. Civ. 1ère, 22 mars 2012, n°pourvoi : 11-10132)

Il convient en effet de rappeler ici les dispositions de l’article L.113-5 du Code de la propriété intellectuelle qui dispose que :

« L’œuvre collective est, sauf preuve contraire, la propriété de la personne physique ou morale sous le nom de laquelle elle est divulguée. Cette personne est investie des droits de l’auteur. »

En d’autres termes, le régime de l’œuvre collective vise à investir à titre originaire la personne morale ou physique à l’initiative de l’œuvre des droits des auteurs attachés à ladite œuvre. La Cour de Cassation va plus loin dans la précision de ce texte en indiquant que ce principe s’applique également aux prérogatives de droit moral permettant ainsi à l’investisseur de faire réprimer toute atteinte à l’œuvre divulguée.

Elle suit sur ce point le second moyen de Cassation dans lequel la Société [Y] l’invitait notamment à revenir sur la conception distributive des droits d’auteurs appliquée par les juges du fond en rappelant que la personne physique ou morale à l’initiative de laquelle l’œuvre collective est créée est investie ab initio des droits de l’auteur sur cette œuvre, ces droits y incluant les prérogatives de droit moral.

 En définitive, que nous apprend cette décision ?

 La Cour de Cassation pousse à l’extrême la fiction juridique qui sous-tend la conception même de l’œuvre collective en donnant à l’investisseur le pouvoir de l’auteur dont fait partie le pouvoir de faire respecter l’œuvre.

 Cette décision paraît donc justifiée par une volonté de protection renforcée et globalisée : en effet, il apparaît pertinent que l’investisseur puisse agir sur la base des prérogatives du droit moral dans l’intérêt indivisible des différents contributeurs.

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