Dans une décision du 8 septembre 2016, la CJUE a précisé le champ d’application des prérogatives des auteurs issues de la directive 2001/29/CE du 22 mai 2001, sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information.
En l’espèce la société éditrice de l’un des sites d’informations insolites néerlandais les plus visités, était parvenue à se procurer un lien vers des photographies à paraître dans le futur numéro du magazine Playboy édité par la société SAMONA.
Elle a publié ce lien au sein d’un article au titre aguicheur sur son site GRENSTIJL.
La société SAMONA a formé une demande de retrait à l’encontre de GS MEDIA et Filefactory qui hébergeait les images litigieuses.
La première a refusé de coopérer tandis que la seconde s’est exécutée.
Les images ont rapidement refait surface sur une autre plateforme d’hébergement de photographies. GS MEDIA s’est alors empressée de publier un nouvel article avec un lien mis à jour.
Là encore, GS MEDIA a fait la sourde oreille, mais la plateforme d’hébergement a fait droit à la demande de retrait formulée par la société SAMONA.
Cependant, internet regorge de ressources et une nouvelle fois, un lien vers les photographies litigieuses a été publié par la société GS MEDIA.
A défaut de pouvoir s’attaquer aux hébergeurs successifs des photographies, SAMONA a visé le diffuseur en introduisant une action à l’encontre de GS MEDIA.
Toute la difficulté de cette affaire résultait dans le fait que la société GS MEDIA ne publiait pas directement les photographies mais publiait seulement un lien renvoyant à un site tiers qui permettait de les visionner.
Or, en vertu de l’article 3 de la directive précitée, les auteurs se voient accorder « le droit exclusif d’autoriser ou d’interdire toute communication au public de leurs œuvres (…) » ce droit ne s’épuisant pas par un acte de communication au public, ou de mise à la disposition du public, au sens du présent (Article 3 paragraphe 3)
Il était donc question de savoir si la publication d’un lien vers un site tiers était ou non une communication au public.
Aucune définition des termes « communication au public » ne figure dans la directive, ce qui a conduit la CJUE à préciser cette notion au fil des décisions et à la lumière des objectifs poursuivis par la directive, notamment celui ide maintenir un juste équilibre entre la protection des droits de propriété intellectuelle et la protection des intérêts et droits fondamentaux des utilisateurs d’objets protégés, en particulier leur liberté d’expression et d’information.
Sur cette base, la notion de « communication au public » doit être appréciée au cas par cas par référence à plusieurs critères parmi lesquels :
- le caractère délibéré ou non de l’intervention de l’utilisateur.
- La présence d’un public composé d’un nombre indéterminé mais suffisamment important de destinataires
- La présence d’un public nouveau, c’est-à-dire un public n’ayant pas été déjà pris en compte par les titulaires du droit d’auteur, lorsqu’ils ont autorisé la communication initiale de leur œuvre
- Le caractère lucratif ou non de la communication
Ce dernier critère a pris une importance capitale à l’occasion de cet arrêt de la CJUE puisqu’il fonde désormais une présomption de connaissance du caractère protégé de l’œuvre et de l’absence éventuelle d’autorisation de publication sur Internet par le titulaire du droit d’auteur.
Dès lors qu’il poursuit un but lucratif, il est donc attendu de l’auteur du placement d’un lien qu’il réalise les vérifications nécessaires pour s’assurer que l’œuvre concernée n’est pas illégalement publiée.
L’obstination dont a fait preuve la société GS MEDIA face aux requêtes de la société SAMONA ne doit pas occulter les conséquences de la mise en place de cette présomption.
En effet, le but lucratif est déjà apprécié de manière large par la CJUE puisqu’il peut par exemple être constaté à l’occasion de revenus indirects (diffusion d’un match de football dans un café-restaurant pour attirer des clients intéressés par cette diffusion CJUE 4 octobre 2011 C‑403/08 et C‑429/08 – points 205 et 206)
Les éditeurs de sites internet qui génèrent un revenu, si faible soit-il, grâce à la publicité par exemple, pourraient être concernés par cette présomption et devront donc se montrer particulièrement vigilants quant au contenu qu’ils publient, y compris s’il s’agit d’un simple lien. En effet, ils seront présumés avoir procédé aux vérifications nécessaires quant à l’autorisation de l’auteur. On peut également s’interroger sur l’application de ce critère aux pages de réseaux sociaux éditées par les entreprises.
Lorsque la publication fait partie de la prestation de service d’un professionnel, des clauses de garantie pourront utilement couvrir ce type d’hypothèse. En outre, les espaces de contribution doivent être traités avec vigilance, l’exploitant du site ayant dans ce cas tout intérêt à se placer en situation d’hébergeur.
La contrefaçon de droit d’auteur est donc un risque à prendre au sérieux pour les éditeurs de site internet. Une stratégie doit être définie en amont pour gérer ce risque en tenant compte des objectifs et des contraintes de l’entreprise.
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