La société, titulaire de marques verbales et semi-figuratives Cohiba pour désigner des produits du tabac, a assigné, sur une société proposant des chaussures sous une marque Cohibas aux fins d’annulation de la partie française de la marque semi-figurative internationale Cohibas, enregistrée afin de désigner des chaussures.En tenant compte du principe de spécialité, la Cour d’appel Paris a rejeté l’action en nullité de l’enregistrement de la marque semi-figurative Cohibas déposée pour désigner des chaussures formée sur la base des marques antérieures verbales et semi-figurative Cohibas qui visent quant à elle des produits de tabac. La cour avait pris en compte de nombreuses différences visuelles (différences graphique, non reprise du damier jaune et noir ou de la tête d’indien bien connus de la marque Cohiba) pour écarter le risque de confusion entre les signes ; le consommateur moyen ne pouvant raisonnablement établir un lien entre les cigares de luxe Cohiba au chaussures Cohibas.
La société Corporacion Habanos fut également déboutée de son action fondée sur l’atteinte à sa marque notoire, sur le fondement de l’article 713-5 du Code de la propriété intellectuelle.
Elle forma un pourvoi, en considérant que la Cour d’appel avait violé cet article.
Toutefois, son pourvoi est rejeté au motif qu’elle ne rapporte pas la preuve d’une des deux conditions alternatives nécessaires pour engager la responsabilité d’un tiers sur le fondement de l’article 713-5 du Code de la propriété intellectuelle pour atteinte à sa marque notoire.
En l’espèce, pour voir son actions prospérer, la société Corporacion Habanos devait démontrer :
– soit que cet usage constituait une exploitation injustifiée de sa marque
– soit que l’usage de la marque Cohibas pour désigner des chaussures lui portait préjudice
En l’absence de risque de confusion entre les signes Cohibas et Cohiba, la Cour considère que la première condition n’est pas remplie ; d’autant que la requérante ne prouve pas que l’adoption par la société défenderesse du signe Cohibas à titre de marque lui permettait de tirer indûment profit de la notoriété attachée aux dites marques Cohiba en s’attirant une clientèle amenée à s’intéresser aux produits vendus sous la marque Cohibas en raison de l’évocation de l’image et de la renommée des marques Cohiba que le signe Cohibas pourrait susciter dans son esprit
En outre, concernant la démonstration du préjudice, la Cour estime que la société requérant ne rapporte pas la preuve de son préjudice, alors qu’elle se contente de soutenir que l’usage reproché était de nature à créer un risque important de dévalorisation du prestige des marques Cohiba, sans corroborer ces allégations par le moindre élément factuel.
Les titulaires de marques notoires ou de renommée sont donc prévenus : pour pouvoir bénéficier des dispositions de l’article 713-5 du Code de la propriété intellectuelle qui leur permet d’échapper au principe de spécialité du droit des marques, il est nécessaire de rapporter la preuve in concreto de l’atteinte qui serait portée à leur marque par l’utilisation injustifiée d’un tiers. Cette atteinte se caractérisera soit par un préjudice (réel, personnel, direct et certain), soit par la preuve du profit indûment tiré par celui qui exploite la marque.
Référence :
Cass. com., 10 Février 2009, Arrêt n° 07-20.948