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Réservation d’hôtel : Booking.com ne pourra plus imposer des prix identiques partout

Hotel

De Gérard HAAS, Avocat à la Cour et David GRANEL, Juriste

Dans le cadre d’une procédure ouverte devant l’Autorité de la concurrence, Booking.com vient de prendre l’engagement de modifier ses pratiques. La demande émanait des principaux syndicats hôteliers français et du groupe Accor. L’Autorité de la concurrence a rendu sa décision le 21 avril 2015 validant cet engagement.

70 % des nuitées réservées sur internet se font via les plateformes de réservation en ligne (source Phocuswright Europe) et la quasi-totalité de la clientèle hôtelière utilise internet pour rechercher un hôtel. La France étant la première destination touristique mondiale devait se saisir des dessous de ce marché afin de l’équilibrer dans un souci de protection des intérêts des consommateurs.

Le développement des plateformes de réservation en ligne a constitué un réel avantage pour le consommateur ces dernières années. Ce dernier a pu rechercher, comparer et réserver ses nuitées d’hôtels sur un site unique. De plus, elles ont développé la concurrence entre établissements. Mais aujourd’hui le système s’est grippé sur divers aspects, les plateformes ayant pris trop de poids, leurs pratiques ont entravé le marché.

Les pratiques des plateformes de réservation mises en cause :

Les plateformes de réservation en ligne n’étant ni un service public ni une émanation de la profession, ces dernières prélèvent auprès des hôteliers référencés une commission proportionnelle au montant de la réservation de 10 à 30 % en moyenne en rémunération de leur service.

Malgré ce principe gagnant-gagnant, les syndicats hôteliers et le groupe Accor dénoncent les clauses « de parité » que les hôtels sont tenus de respecter pour être référencés sur les plateformes de réservation hôtelières en ligne et sur Booking.com en particulier.

En vertu de ces clauses, les plateformes en ligne exigent des hôteliers de bénéficier de certains avantages tels un tarif particulier, un nombre de nuitées et de conditions d’offres (conditions de réservation, inclusion ou non du petit-déjeuner…) au moins aussi favorables que ceux proposés sur les plateformes concurrentes ainsi que sur l’ensemble des autres canaux de réservation qu’ils soient en ligne ou non (site internet, téléphone, e-mail, comptoir de l’hôtel…).

Ces clauses étant mises en œuvre par l’ensemble des plateformes, les hôteliers ne peuvent donc mettre en concurrence les plateformes de réservation.

Pour l’Autorité de la concurrence, la mise en œuvre de clauses de parité est de nature à « réduire la concurrence entre Booking.com et les plateformes concurrentes ». En effet, les hôteliers sont dans l’obligation d’octroyer à Booking.com des tarifs de nuitées, un nombre de nuitées disponibles à la réservation et des conditions de vente aussi favorables que ceux proposés sur les plateformes concurrentes qui peuvent avoir un taux de commission inférieur.

En outre, « les clauses de parité peuvent conduire à évincer les plateformes plus petites ou qui entrent sur le marché » de la réservation en ligne. Ces plateformes n’ont pas la possibilité de faire preuve de concurrence car elles ne peuvent pas se distinguer sur le marché par un tarif de nuitée meilleur marché.

Les engagements de Booking.com , objet de la décision de l’Autorité de la concurrence :

Booking.com s’engage donc à « modifier la clause de parité tarifaire et à supprimer toute clause imposant des obligations de parité en termes de disponibilités de chambres ou de conditions commerciales non seulement à l’égard des plateformes concurrentes mais également des canaux directs hors ligne des hôtels et d’une partie de leurs canaux en ligne ». Les hôtels pourront dorénavant :

– Proposer des prix plus bas sur les autres plateformes de réservations en ligne et leur consentir des conditions commerciales plus avantageuses et un plus grand nombre de nuitées,
– Proposer des prix plus bas sur leurs canaux hors ligne aux consommateurs (téléphone, réception de l’hôtel, sms, messageries instantanées, campagne e-mailing),
– Proposer des prix plus bas aux consommateurs à condition que les tarifs ne soient pas accessibles au public sur Internet,
– Proposer des prix plus bas dans le cadre de leurs programmes de fidélité,
– Communiquer publiquement sur le fait qu’ils proposent en direct et via leurs programmes de fidélité des prix avantageux,
– Recontacter les clients antérieurs de l’hôtel et de la chaîne ou la communauté d’hôtels à laquelle l’hôtel appartient.

Les fondements juridiques de la décision :

Pour l’Autorité de la concurrence, trois éléments doivent être réunis pour établir que des pratiques sont susceptibles d’avoir sensiblement affecté le commerce entre États membres (cf. lignes directrices relatives à la notion d’affectation du commerce figurant aux articles 81 et 82) du traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne :

– L’existence d’échanges entre États membres portant sur les produits faisant l’objet de la pratique ;
– L’existence de pratiques susceptibles d’affecter ces échanges ;
– Le caractère sensible de cette affectation.

En l’espèce, les pratiques litigieuses à l’égard de l’ensemble des hôtels partenaires implantés sur le territoire français sont susceptibles d’affecter le commerce entre États membres, compte tenu de la présence européenne des plateformes de réservation en ligne sur le territoire de plusieurs États membres de l’Union Européenne.

De plus, les pratiques en cause concernant la vente par Internet, il convient de rappeler que la Cour d’appel de Paris a déjà précisé qu’Internet « par nature est ouvert au commerce transfrontalier » (arrêt du 16 octobre 2007). Une harmonisation européenne a donc du sens et apporte une lisibilité tant pour les entreprises que pour les consommateurs.

Dans le même sens, les Lignes directrices sur les restrictions verticales de la Commission (2010/C 130/01) disposent que : « L’utilisation d’un site Internet peut avoir des effets au-delà du territoire et de la clientèle affectés au distributeur ; toutefois, ces effets sont le résultat de la technologie qui permet un accès facile à partir de n’importe quel lieu ».

La présente affaire révèle une nouvelle fois que le droit de la concurrence prend une orientation européenne ainsi que le droit de la consommation par la mise en place de coopération renforcée entre différentes autorités nationales. La Commission Européenne joue un rôle de coordination.

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