La secrétaire d’Etat chargée du Commerce et de l’Artisanat a dévoilé mercredi 3 juin 2015 le logo qui pourra être apposé sur les produits qui bénéficieront d’une protection par l’indication géographique.
Ces produits seront ainsi valorisés à travers la mention « Indication géographique France » et par le référencement sur la base de données des indications géographiques disponible en ligne sur le site de l’INPI.
Dans un communiqué du 4 juin 2015, la secrétaire d’Etat chargée du Commerce et de l’Artisanat informe à ce titre, de la mise en place des Indications Géographiques pour les produits manufacturés et les ressources naturelles, dispositif introduit par la loi n°2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, dite « loi Hamon ».
- Contexte
L’introduction de cette nouvelle catégorie d’indication géographique fait notamment suite à l’affaire Laguiole, dans laquelle la commune du même nom, n’était pas parvenue à faire interdire à un tiers l’usage de marques comportant le nom « Laguiole ». Cette jurisprudence avait alors suscité une vive émotion.
Un arrêt de la cour d’appel de Paris, rendu le 4 avril 2014, soit quelques jours après la promulgation de la loi précitée, était d’ailleurs venu confirmer la décision antérieure du tribunal de grande instance de Paris (cf. notre article Droit des marques contre les collectivités territoriales: le cas de Laguiole).
A cet égard la loi du 17 mars 2014 renforce la protection des collectivités territoriales sur le nom, au regard notamment du droit des marques (cf. notre article Droit des marques: les droits renforcés des collectivités territoriales).
La divulgation du label « IG » et la publication du décret n°2015-595 du 2 juin 2015 relatif aux indications géographiques protégeant les produits industriels et artisanaux et portant diverses dispositions relatives aux marques est l’occasion de faire un point sur les différentes indications géographiques disponibles en France.
Lors d’une conférence de lancement organisée en présence des professionnels, la secrétaire d’Etat chargée du Commerce et de l’Artisanat soulignait que « les produits manufacturés et les ressources naturelles ne bénéficiaient à ce jour que de protections limitées. »
Comme nous le verrons plus loin il est vrai que ces produits peinaient à trouver leur place dans les protections existantes, alors que l’enjeu économique est considérable : la préservation de l’emploi en France, en particulier dans les TPE et PME.
La protection des producteurs légitimes contre l’utilisation abusive des dénominations géographiques était donc au cœur de ce renforcement, de même que l’information des consommateurs qui verront apparaitre sur certains produits, leur emballage ou leur étiquetage, un nouveau logo accompagné du nom de l’indication géographique et du numéro d’homologation.
Cependant, on peut se demander si la création d’une nouvelle catégorie d’indication géographique, dédiée aux produits industriels et artisanaux, était nécessaire.
Pour répondre à cette question, il y a lieu de dresser un état de la situation des indications géographiques existantes avant la « loi Hamon » afin de déterminer l’apport de celle-ci dans le domaine.
- Les indications géographiques avant la « loi Hamon »
En France et en Europe, des logos officiels permettent de reconnaitre des produits bénéficiant d’une appellation d’origine ou d’une indication géographique.
2.1 En droit français
Avant la loi du 17 mars 2014, il existait en droit français :
– L’appellation d’origine simple (AO) qui désigne un produit originaire d’une zone géographique et dont les qualités ou les caractères sont dus au milieu géographique, comprenant des facteurs naturels et des facteurs humains.
L’AO peut bénéficier à tous les types de produits.
Il s’agit cependant aujourd’hui d’une catégorie résiduelle qui peut faire l’objet d’une reconnaissance par le biais d’une procédure administrative à défaut d’avoir bénéficié d’une reconnaissance judiciaire.
– L’appellation d’origine contrôlée (AOC) qui désigne un produit dont toutes les étapes de fabrication sont réalisées selon un savoir-faire reconnu dans une zone géographique, qui donne ses caractéristiques au produit.
L’AOC ne bénéficie qu’aux produits agricoles, forestiers ou alimentaires et les produits de la mer (c.rur., art. L641-5).
On peut également mentionner les indications de provenance qui reposent sur le lien que doit faire le consommateur entre un produit et un lieu géographique. Cependant, et contrairement aux appellations d’origine, elles ne sont consacrées par aucun texte.
2.2 En droit européen
Au niveau européen, on retrouve les signes suivants garants de l’origine :
– L’appellation d’origine protégée (AOP) qui est l’équivalent européen de l’AOC. Elle protège le nom d’un produit dans tous les pays de l’Union Européenne.
L’AOP bénéficie aux mêmes produits que l’AOC.
– L’indication géographique protégée (IGP) qui désigne un produit originaire d’une zone géographique et dont l’une des caractéristiques est liée au lieu géographique dans lequel se déroule au moins une des étapes de sa production selon des conditions bien déterminées.
L’IGP ne bénéficie qu’aux produits agricoles et alimentaires.
- L’apport de la « loi Hamon » : les indications géographiques protégeant les produits industriels et artisanaux (IGPIA)
Au regard des diverses appellations d’origine et indications géographiques prévues tant par le droit français que par le droit de l’Union, les produits industriels et artisanaux ne pouvaient être protégés que par le biais d’une appellation d’origine, appellation qui peut concerner tout type de produit.
Cependant, et conformément à l’article L115-1 du code de la consommation, le cadre légal de l’appellation d’origine est stricte. En effet, pour bénéficier d’une telle reconnaissance, la qualité ou les caractères du produit doivent être « dus au milieu géographique, comprenant des facteurs naturels et des facteurs humains ». Dès lors il devient difficile de faire bénéficier de cette protection les produits autres qu’agro-alimentaires.
3.1 La notion d’IGPIA
L’article 74 de la loi n°2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation crée ainsi une nouvelle catégorie d’indication géographique : les indications géographiques protégeant les produits industriels et artisanaux (IGPIA). Les dispositions relatives à celles-ci ont été intégrées au sein du Livre VII du Code la propriété intellectuelle (notons que le régime des appellations d’origine est prévu, pour sa part, par le code rural et de la pêche maritime).
La définition des IGPIA est davantage accueillante. Suivant l’article L721-2 du CPI, « Constitue une indication géographique la dénomination d’une zone géographique ou d’un lieu déterminé servant à désigner un produit, autre qu’agricole, forestier, alimentaire ou de la mer, qui en est originaire et qui possède une qualité déterminée, une réputation ou d’autres caractéristiques qui peuvent être attribuées essentiellement à cette origine géographique. »
Le lien exigé entre le produit et la zone géographique est ainsi plus souple que dans le cas d’une appellation d’origine. Il suffit en effet que le produit possède l’une des qualités, des caractéristiques ou la réputation d’une zone géographique pour que sa dénomination puisse lui être attribuée.
La définition retenue par le législateur français est semblable à celle de l’indication géographique protégée (IGP) relative aux produits agricoles et alimentaires, sans doute dans une optique d’harmonisation européenne.
3.2 La procédure de reconnaissance
La demande d’indication géographique doit obligatoirement être faite par un organisme de défense et de gestion (cf. art. L.721-3 CPI) qui présente une demande d’homologation du cahier des charges auprès de l’Institut National de la Propriété Industrielle (INPI).
Contrairement aux autres labels mentionnés, pour lesquels l’Institut National de l’Origine et de la Qualité (INAO) est la seule autorité compétente, il s’agit de l’INPI pour les IGPIA.
L’indication géographique reconnue, tout professionnel souhaitant s’en prévaloir peut devenir membre de l’organisme de défense et de gestion, et être ajouté à la liste des opérateurs. Il doit cependant respecter le cahier des charges homologué et être implanté dans la zone géographique concernée.
3.3 Les sanctions attachées au non-respect d’une IGPIA
Depuis la loi du 17 mars 2014, la protection des indications géographiques est soumise au régime de l’action en contrefaçon.
Conformément à l’article L722-1 du CPI, « toute atteinte portée à une indication géographique en violation de la protection qui lui est accordée par le droit de l’Union européenne ou la législation nationale constitue une contrefaçon engageant la responsabilité de son auteur.
Pour l’application du présent chapitre, on entend par « indication géographique » :
a) Les appellations d’origine définies à l’article L115-1 du Code de la consommation ;
b) Les indications géographiques définies à l’article L721-2 ;
c) Les appellations d’origine et les indications géographiques protégées en vertu du droit de l’Union européenne ;
Sont interdits la production, l’offre, la vente, la mise sur le marché, l’importation, l’exportation, le transbordement, l’utilisation ou la détention à ces fins de biens dont la présentation porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte à une indication géographique ».
Au pénal, l’auteur de contrefaçon encourt des peines pouvant aller jusqu’à 300 000€ d’amende et 3 ans d’emprisonnement.
- Conclusion
Dans son communiqué du 4 juin 2015, la secrétaire d’Etat chargée du Commerce et de l’Artisanat souligne que par l’introduction de cette nouvelle catégorie d’indication géographique, « La France est un pays précurseur en Europe ».
Le Gouvernement déclare poursuivre son action auprès de la Commission pour que ces nouvelles indications géographiques soient reconnues au niveau européen.
Sources
– Loi n°2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation
– Décret n°2015-595 du 2 juin 2015 relatif aux indications géographiques protégeant les produits industriels et artisanaux et portant diverses dispositions relatives aux marques
– Articles L721-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle
– Articles L641-5 et suivants du Code rural et de la pêche maritime
– Articles L115-1 et suivants du Code de la consommation
– Communiqué de presse de la secrétaire d’état chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire, auprès du ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique, 4 juin 2015
– Dossier de présentation « Lancement des indications géographiques pour les produits manufacturés et les ressources naturelles », par Carole DELGA, 3 juin 2015
– Article « Un logo pour signaler l’origine des produits du terroir », Le Figaro économie, 3 juin 2015
– Jurisclasseur, fasc. 7100 : « Différents signes susceptibles de constituer une marque », 16 avril 2015
– Propriété industrielle n°5, Mai 2014, « Les apports de la loi du 17 mars 2014 au Code de la propriété intellectuelle » par Caroline LE GOFFIC
– Alimentation.gouv.fr/label-qualite-origine
– http://www.economie.gouv.fr/indications-geographiques-produits-manufactures
– http://vosdroits.service-public.fr/professionnels-entreprises/F22887.xhtml
– http://www.haas-avocats.com/actualite-juridique/droit-des-marques-vs-collectivites-territoriales-le-cas-laguiole-tranche/
– http://www.haas-avocats.com/actualite-juridique/droit-des-marques-les-droits-renforces-des-collectivites-territoriales/
– http://www.village-justice.com/articles/protection-des-produits-artisanaux,17442.html