Par Jean-Philippe SOUYRIS, avocat et David GRANEL, juriste
Dans son jugement du 28 septembre 2015, le Tribunal de Commerce de Paris retient « l’inspiration de la valeur économique » pour condamner à des dommages et intérêts l’exploitant d’un site Internet ressemblant à un site Internet préexistant et confirme sa jurisprudence de 2012.
En l’espèce, la société SOUND STRATEGY, spécialisée dans la communication sonore, propose via son site internet des messages vocaux destinés à l’accueil téléphonique des PME. Elle a découvert l’existence d’un nouveau site web concurrent édité par société CONCEPSON créée par une personne ayant travaillé pour SOUND STRATEGY.
SOUND STRATEGY estime que le site concurrent a repris un concept et un fonctionnement identiques au sien notamment ses Conditions Générales de Vente (CGV). L’affaire est portée devant le Tribunal de Commerce de Paris pour concurrence déloyale par parasitisme.
En effet, si le droit d’auteur permet de protéger l’originalité d’un site internet, sans doute consciente de « de la banalité supposée de son concept », la société SOUND STRATEGY a préféré orienter le conflit sur le terrain du parasitisme.
Il convient de rappeler que la reprise d’un site internet peut également être sanctionnée sur le terrain de la concurrence déloyale, sous réserve de rapporter la preuve d’un risque de confusion.
Lorsque ces deux options ne sont pas envisageables, la notion de parasitisme permet de sanctionner certains actes déloyaux.
Le tribunal rappelle la définition du parasitisme qui est caractérisé par « la circonstance selon laquelle, à titre lucratif et de façon injustifiée, une personne morale ou physique s’inspire ou copie une valeur économique d’autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d’un savoir-faire, d’un travail intellectuel et d’investissements ».
Il convient de rappeler que la concurrence déloyale et le parasitisme sont certes fondés sur le même article 1382 du code Civil mais sont caractérisés par l’application de critères distincts.
La concurrence déloyale est, au regard du principe tiré du risque de confusion, étrangère à la concurrence parasitaire.
Un acte de concurrence parasitaire est fautif s’il est contraire aux usages normaux du commerce. C’est le cas notamment s’il rompt l’égalité entre les divers intervenants, sans risque de confusion, et fausse le jeu normal du marché en provoquant ainsi un trouble commercial.
A la suite de ce rappel, le tribunal retient que le fonctionnement des deux sites présente de nombreuses similitudes, notamment dans le cheminement de la commande, la structure de certains écrans, le choix des messages, le recours à la voix d’acteurs, le paiement et le mode de livraison…
Le Tribunal de Commerce de Paris admet donc l’existence d’un parasitisme :
« L’existence sur le marché de sites ressemblant à celui de Sound Strategy ou de la banalité supposée de son concept ne sont pas de nature à démontrer l’absence de parasitisme, alors que le seul fait de s’inspirer de la valeur économique de Sound Strategy, qui a réalisé des investissements suffit à dénoter un agissement parasitaire ».
Le parasitisme est donc caractérisé par cette inspiration de la valeur économique résultant des investissements réalisés par SOUND STRATEGY.
La valeur économique reprise, notion centrale du parasitisme, est indépendante de l’originalité du site, elle peut avoir pour objet des éléments banals, ou repris par d’autres sites, mais doit résulter d’investissements matériels et intellectuels de son créateur.
Cependant, si les investissements et la valeur économique du site sont utiles à la caractérisation du parasitisme, le tribunal rappelle que l’évaluation du préjudice doit être effectuée selon d’autres critères.
L’évaluation du préjudice constitue le point clé des contentieux en matière de concurrence déloyale. SOUND STRATEGY entendait obtenir réparation des investissements réalisés dans le site à hauteur de 23 920 euros.
Le tribunal retient que l’acte de parasitisme n’a pas diminué la valeur du site, mais le préjudice résulte en réalité d’une éventuelle baisse de chiffre d’affaire, que le tribunal évalue à 5000 euros en l’absence d’éléments communiqués par SOUND STRATEGY.
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