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Contrats de distribution exclusive : quel Tribunal compétent ?

contrat de distribution

De Stéphane ASTIER, Avocat à la Cour, Jean-Philippe SOUYRIS, Juriste

La gestion des réseaux de distribution exclusive suppose, dans un contexte international, d’anticiper les conflits via une politique contractuelle adéquate.

L’un des éléments clés de cette politique contractuelle concernera inévitablement la gestion des litiges et plus spécifiquement la question du tribunal compétent.

L’occasion de s’intéresser aux dernières jurisprudences rendues sur ce sujet et plus spécifiquement à un arrêt de la Cour de Cassation du 19 novembre 2014.

Dans ce cas d’espèce, une société française distribuait des munitions de chasse de fabrication allemande au titre d’un contrat de distribution. Ledit contrat prévoyait que la société française avait l’exclusivité de cette distribution sur tout le territoire français. Estimant que son cocontractant avait violé cette exclusivité, la société française l’a assigné devant les tribunaux français dont la compétence est contestée par la société allemande (1).

Les contrats de distribution internationaux, s’ils assurent le support juridique d’une économie mondialisée, soulèvent une question lorsque des difficultés surviennent à l’occasion de leur exécution : quel tribunal doit-il être saisi ?

Simplifier la solution à cette question apporte une sécurité juridique appréciable, même si la pratique a souvent recours à des clauses attributives de juridiction pour pallier le manque de clarté de certaines règles de compétence.

En Europe, la convention de Bruxelles de 1968 prévoyait qu’en matière contractuelle, le tribunal compétent est celui « du lieu où l’obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée ». Mais cette disposition ne permettait pas d’atteindre le but de simplification recherché car il fallait en effet se référer à la loi applicable au contrat pour déterminer le lieu d’exécution de l’obligation servant de vase à la demande et donc le tribunal compétent (2).

Le règlement Bruxelles I(3) qui a communautarisé les dispositions de la convention a repris ce critère de détermination de compétence à l’article 5§1 a) mais y a ajouté au b) la précision que pour la fourniture de service il s’agissait du lieu où a été ou aurait dû être fourni le service et pour la vente de marchandises le lieu où ont été ou auraient dû être livrées les marchandises.

Reste que pour les tribunaux français, les contrats de distribution n’étaient rattachés ni à l’un, ni à l’autre type de relation contractuelle et l’obligation servant de base à la demande restait déterminée par le lieu d’exécution de l’obligation en vertu de la loi applicable au contrat.

La simplification était donc hors de portée des contrats de distribution, qui sont pourtant l’élément prépondérant du tissu économique européen.

Cette erreur est aujourd’hui partiellement corrigée par l’arrêt de la Cour de Cassation du 19 novembre 2014 qui reprend le raisonnement développé par la CJUE dans l’arrêt Corman Collins du 19 décembre 2013 (4).

Les contrats de distribution exclusive sont des prestations de services et le tribunal compétent est donc celui du lieu de distribution des produits. C’est là la principale clarification apportée par la Cour de Cassation.

Toutefois la motivation de l’arrêt de la Cour de Cassation comme celle de la CJUE a soulevé de nombreuses interrogations et désaccords sur la portée qui peut leur être conférée (5), si bien que l’objectif de simplification n’est toujours pas atteint.

Pour la CJUE, la fourniture de service suppose une activité contre une rémunération.

En matière de contrats de concession, l’activité est la distribution des produits et la rémunération doit s’entendre au sens large. Elle peut résulter de l’avantage pour le concessionnaire d’avoir été sélectionné par le concédant, que l’avantage soit tiré d’une exclusivité territoriale ou du nombre limité de concessionnaires.

D’autres avantages susceptibles de constituer une rémunération sont également cités tels que l’aide au concessionnaire en matière « d’accès aux supports de publicité, de transmission d’un savoir-faire au moyen d’actions de formation, ou encore de facilités de paiements » mais la CJUE ne précise pas l’importance à donner à chacun de ces éléments. La seule présence d’un avantage tiré de la sélection suffit-elle à caractériser une rémunération ? En son absence, les autres éléments le peuvent-ils ?

La Cour de Cassation fait référence à la notion de rémunération seulement de manière implicite. Pour établir que le contrat de distribution est une prestation de service, elle ne mentionne que le critère de la sélection du concessionnaire et les dispositions particulières du contrat concernant la distribution des produits sur le territoire français.

Pour la Haute Cour, ce processus de sélection semble donc constituer une rémunération.

Si une réponse claire est apportée pour la distribution exclusive, qu’en est-il des autres relations entre fabricant et distributeur ? Le juge français n’apporte pas plus de précision que la CJUE sur ce point. Tout au plus le raisonnement peut être transposé aux contrats de distribution sélective.

*****

Ces décisions jurisprudentielles démontrent l’importance de prévenir contractuellement des difficultés pouvant intervenir dans le cadre de l’exécution d’un contrat de distribution.

Si prévenir des difficultés signifie naturellement encadrer les rôles, obligations et garanties de chacun, il sera déterminant pour ce type de contrat, de prévoir des clauses spécifiques ayant trait à la gestion des litiges et, plus spécifiquement, aux questions essentielles que sont la loi applicable et le Tribunal compétent (Notamment grâce à l’efficacité qui leur est conférée par les dispositions de l’article 23 du règlement Bruxelles I. (6))

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[1] Cour de Cassation, 1ere chambre civile, 19 novembre 2014 n°13-13.405
[2] Petites affiches 6 février 2015 n°27 p7
[3] Règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale
[4] CJUE affaire C-9/12 Corman-Collins contre La maison du Whisky
[5] Notamment sur l’extension possible à la franchise. G Lardeux D. 2015 p51
[6] Devenu l’article 25 du règlement Bruxelles I bis No 1215/2012 du Parlement Européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, entré en vigueur en janvier 2015
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