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Illustration de la nécessité de défendre sa marque

lecteur de dvd

La différence entre marque notoire (ou quasi monopolistique sur le marché) et signe dépourvu de caractère distinctif (libre de droit) est quelque fois mince.

L’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris le 12 janvier 2011 relativement à la marque DIVX en offre une illustration et démontre l’intérêt réel qui existe de défendre activement sa marque pour la valoriser et pour lutter contre sa dégénérescence.

L’action en contrefaçon de la marque DIVX

La société de droit américain DIVX a créé en 1999 un logiciel (Codec) destiné à compresser/décompresser les fichiers vidéo de grande taille pour permettre de les stocker sur des supports limités en mémoire ; tout en permettant leur lecture sur des lecteurs CD ou DVD équipés d’un décodeur.

La société DIVX a déposé la marque française DIVX n°03 3 232 193 pour désigner un certain nombre de produits et services relevant notamment des classes 9 et 41 (appareils pour l’enregistrement, la transmission ou la retransmission du son ou des images ; logiciels pour le transfert vidéo à large bande, stockage et compression).

Face à l’essor de ce format d’encodage, abondamment utilisé par les amateurs de vidéos, la majorité des fabricants de lecteurs DVD a doté ses appareils de la fameuse technologie développée par la société DIVX pour proposer à la vente des lecteurs permettant la lecture de ce type de format. Ces fabricants ont toutefois dus payer une licence pour pouvoir utiliser le codec DIVX et inscrire la marque DIVX sur leurs appareils.

Ayant constaté que deux fabricants non licenciés proposait à la vente des appareils audiovisuels revêtus de la marque DIVX, la société américaine engagea à leur encontre une action en contrefaçon de marque et en concurrence déloyale et parasitaire.

Une condamnation lourde

Si la société DIVX fut déboutée de sa demande en concurrence déloyale (pour absence de faits distincts de ceux de contrefaçon), en revanche elle obtint la condamnation des fabricants incriminés à lui payer la somme de 200 000 euros (puis 350 000 euros en cause d’appel) à titre de provision sur dommages et intérêts, en attendant que les pièces comptables relatifs à la commercialisation des produis contrefaisants livrent leur verdict sur l’étendue de la contrefaçon.

Des moyens de défense classique : nullité de l’enregistrement de la marque ; déchéance des droits par dégénérescence et référence nécessaire

Les moyens de défense soulevés par les présumés contrefacteurs furent classique : remise en cause de la validité de la marque DIVX fondant l’action pour défaut de caractère distinctif et demande de déchéance des droits de la société titulaire de cette marque pour dégénérescence de la marque de son propre fait. A supposer que la marque soit valable, la référence nécessaire à ladite marque est invoquée pour échapper au grief de contrefaçon.

Le caractère distinctif d’une marque s’apprécie au jour de son dépôt

Se fondant sur les dispositions de l’article L. 711-2 du Code de la propriété intellectuelle, la Cour d’appel rappelle que le caractère distinctif d’une marque doit s’apprécier à la date de son dépôt. Semblant faire un examen approfondi des pièces communiquées dans le cadre des débats, la Cour constate que le Codec DIVX coexistait avec d’autres formats de compression/décompression de fichiers et que le signe DIVX semblait être associé de manière constate depuis sa création à la société DIVX et à ses produits ; ce terme n’étant nullement employé pour désigner les produits de ses concurrents.

La lutte contre la dégénérescence de sa marque

Le même raisonnement est tenu par la Cour pour débouter les sociétés présumées contrefactrices de leur demande de déchéance par dégénérescence fondée sur l’article L.714-6 du Code de le propriété intellectuelle, au motif que, « pas plus qu’elles n’ont pu le faire au moment du dépôt, (elles) ne démontrent que le signe DIVX soit devenu, après le dépôt de la marque, la désignation dans le langage courant du codec et des produits qui lui sont associés ».

Nul doute que la société DVIX a du produire le justificatif de très nombreuses actions judiciaires ou précontentieuses (lettres de mise en demeure) pour démontrer au Tribunal qu’elle luttait de manière effective contre la dégénérescence de sa marque.

En effet, la Cour acte notamment à plusieurs reprise que la société DVIX justifie être intervenue « systématiquement pour défendre sa marque en adressant aux éditeurs des sites internet (faisant un usage générique du signe DVIX) des courriers parfaitement circonstanciés par lesquels elle indique qu’il est attentatoire aux droits de la société DIVX d’avoir une présentation qui pourrait être comprise comme indiquant que la marque DIVX serait la désignation de toutes sortes de formats dont certains n’auraient pas pour origine la société DIVX ».

L’exception de référence nécessaire

Le dernier moyen soulevé par les présumés contrefacteurs pour justifier de l’usage fait de la marque sans l’autorisation de son propriétaire est celui tiré des dispositions de l’article L. 713-6 du Code de la propriété intellectuelle qui énonce que « l’enregistrement d’une marque ne fait pas obstacle à l’utilisation du même signe ou d’un signe similaire comme référence nécessaire pour indiquer la destination d’un produit ou d’un service, notamment en tant qu’accessoire ou pièce détachée, à condition qu’il n’y ait pas de confusion quant à leur origine ».

En l’espèce après avoir constaté que les appareils litigieux n’étaient pas dotés du codec DIVX, la Cour considère que les sociétés appelantes n’étaient pas contraintes d’apposer le signe DIVX sur leurs appareils en tant que référence nécessaire pour indiquer au public que leurs lecteurs pouvaient lire les formats encodés avec le logiciel DIVX. Elle leur fait également grief de ne pas démontrer « en quoi elles auraient pris les mesures nécessaires pour prévenir un risque de confusion dans l’esprit du public qui serait enclin à croire que ses produits mettent en œuvre la technologie DIVX ».

La solution aurait-elle été différente dans le cas de l’utilisation de la marque DIVX au sein des publicités des appareils litigieux présentés comme compatibles pour la lecture des formats DVIX, DVD ? La question reste posée.

Au-delà des moyens de défense nombreux pouvant être soulevés en défense dans le cadre d’une action en contrefaçon (nullité de la marque, déchéance des droits de son titulaire, référence nécessaire), cet arrêt met surtout en exergue le fait que la marque n’a de valeur que si son titulaire lutte contre les atteintes qui lui son portées tout au long de son exploitation.

L’absence d’action de sa part conduit en effet nécessairement à la dilution et à l’affaiblissement de sa marque qui n’a alors plus de véritable valeur, tant économique que juridique ; la sanction d’une telle inaction pouvant aller jusqu’à la déchéance des droits de propriété industrielle sur cette marque.

L’expression chère à Maître Gérard HAAS trouve ici tout son sens : « celui qui ne défend pas ses droits méritent de les perdre » !

Source :

Arrêt de la Cour d’Appel de Paris le 12 janvier 2011

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