Face au succès retentissant de l’encyclopédie Wikipédia sur Internet (proposée à la libre diffusion et redistribution), Google propose depuis le 23 juillet 2008 sa propre encyclopédie en ligne Knol. 

« Œuvres plurales créées par une multitude d’auteurs », les deux encyclopédies soulèvent une difficulté de qualification juridique au regard du droit de la propriété littéraire et artistique.

1) Knol, une encyclopédie en ligne

Les deux encyclopédies en ligne Wikipédia et Knol ont en commun d’avoir été créées sur l’initiative d’une personne morale. Néanmoins, Knol se démarque de son concurrent sur quatre points principaux :

 S’agissant du traitement de l’information :

Contrairement à son précurseur, l’encyclopédie de Google ne restreint pas un sujet à un seul article mais encourage la multiplicité des opinions sur un même thème.

 S’agissant  de l’identité des auteurs :

Chez Wikipédia les articles écrits sont anonymes et modifiables par n’importe quel contributeur sans autorisation de l’auteur originaire,

Au contraire, Knol identifie clairement l’auteur d’un article et quiconque souhaite suggérer des modifications par rapport au texte originel doit solliciter l’accord de son auteur. Ce dernier  est libre d’accepter ou de refuser les suggestions de modification.

 S’agissant du régime juridique du texte créé :

Les textes de Wikipédia sont réutilisables dans le respect des termes de la licence de documentation libre GNU (ou GFDL), ce qui signifie que les internautes ont le droit de copier ou redistribuer le texte, avec ou sans modifications, commercialement ou non.

Au contraire, les auteurs d’un knol (article) disposent d’un choix entre différents types de licence. Ils peuvent ainsi opter entre soit réserver tous les droits d’auteur sur leur texte, soit mettre à disposition leur article dans le cadre d’une licence creative commons. Cette dernière option a pour effet d’autoriser le public à effectuer certaines utilisations, tout en maintenant la possibilité pour les titulaires de droit de réserver les exploitations commerciales, les œuvres dérivées ou le degré de liberté.

 S’agissant de la rémunération des auteurs :

Les contributeurs à l’encyclopédie Wikipédia écrivent à titre gracieux.

Au contraire, l’auteur d’un knol peut être rémunéré par la publicité engendrée par la consultation de son article. En effet, le créateur d’un knol peut choisir d’afficher des liens publicitaires, sélectionnés par la régie de Google, AdSense. Les bénéfices générés par les recettes publicitaires sont ensuite partagés entre l’auteur et l’hébergeur Google. Cependant, les modalités de ce partage restent obscures puisqu’elles ne sont pas mentionnées dans les conditions générales de Knol.
 

2) Quel est le régime juridique applicable à l’encyclopédie en ligne Knol?

Il y a trois catégories d’œuvres plurales : les œuvres dérivées, les œuvres de collaboration et les œuvres collectives (article L. 113-2 du code de la propriété intellectuelle) :

 L’œuvre de collaboration est celle à la création de laquelle ont concouru plusieurs personnes physiques.

 L’œuvre collective est une œuvre créée sur l’initiative d’une personne physique ou morale qui l’édite, la publie et la divulgue sous sa direction et son nom et dans laquelle la contribution personnelle des divers auteurs participant à son élaboration se fond dans l’ensemble en vue duquel elle est conçue, sans qu’il soit possible d’attribuer à chacun d’eux un droit distinct sur l’ensemble réalisé.

Or, la rémunération des auteurs est liée à la qualification juridique de l’œuvre :

d’une part, dans l’œuvre collective, les droits patrimoniaux reviennent, sauf preuve contraire, à l’entreprise à l’origine de la création de l’œuvre (article L. 113-5 du CPI). En revanche, l’œuvre  de collaboration est la propriété commune des coauteurs et donc indivise.

 d’autre part, pour les œuvres de collaboration le principe est la rémunération proportionnelle alors que pour les œuvres collectives, la rémunération est en principe forfaitaire.

En général, les encyclopédies sont mentionnées en droit de la propriété littéraire et artistique comme des exemples d’œuvres collectives.  Wikipédia et Knol semblent donc relever du régime des œuvres collectives. Ce qui a pour avantage d’attribuer la paternité de l’oeuvre à la fondation Wikimedia pour Wikipédia ou à Google pour Knol.

Cependant, un certain nombre d’indices dans la réalisation de la contribution viennent remettre en cause  l’application de ce régime.

Pour Wikipédia, la question de la qualification ne se pose pas vraiment puisque qu’elle  qu’elle soit, les contributions des internautes sont gratuites.

Au contraire pour Knol, les auteurs perçoivent une rémunération mais celle-ci n’est pas forfaitaire comme c’est le cas des oeuvres collectives. Cette rémunération est  proportionnelle mais non pas à un quelconque prix de vente comme c’est le cas en principe pour les oeuvres de collaboration mais à la capacité des articles à générer du trafic publicitaire.

En conséquence, on constate ici l’apparition d’une nouvelle forme de rémunération des auteurs.

En conclusion, il apparaît que les modes économiques créent un autre type de régime hybride sui generis dans lequel les qualifications n’ont pas le même intérêt que dans l’univers des encyclopédies papiers.

 Pour en savoir plus :

Site de l’encyclopédie Knol – voir le site
Site de l’encyclopédie Wikipédia – voir le site
Licences creative commons – voir le document

 Source :

Le Monde – voir le site