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L'outrage, un délit … à la mode

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Dans Heralsius Corneille fait dire à l’un de ses personnages :
« Qui se laisse outrager mérite qu’on l’outrage
Et l’audace impunie enfle trop un courage
»
En droit, l’outrage est un délit et il est sanctionné de 7500 euros dans les conditions de l’article 433-5 du Code Pénal.
En revanche, lorsque l’outrage vise une personne investie de l’autorité de justice, l’article 434-24 du Code Pénal dispose qu’il est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende ou encore s’il est commis à l’audience d’un tribunal il est sanctionné de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende.
Certes, l’article 10 de la Convention Européenne des droits de l’Homme reconnaît à toute personne le droit à la liberté d’expression mais l’exercice de cette liberté comporte des devoirs et des responsabilités dont le respect de l’autorité du pouvoir judiciaire. (Crim. 27 septembre 2000)
Une affaire récente montre que même les élus politiques sont passibles de cette infraction.
En effet, vendredi 20 février le Tribunal correctionnel de Montbéliard a condamné le député UMP Damien Meslot à 700 euros d’amende avec sursis et à 1 euro de dommage et intérêt pour délit d’outrage contre un Magistrat pour l’avoir traité de « Gaucho de merde ».
La loi définit le contenu de l’outrage comme un comportement « de nature à porter atteinte à (la) dignité (de la personne à qui il s’adresse) ou au respect dû à la fonction dont elle est investie » ceci par paroles, gestes ou menaces, par écrits ou images de toute nature non rendus publics ou par l’envoi d’objets quelconques.
La chambre criminelle de la Cour de Cassation le 20 décembre 1989 a même pu considérer que l’outrage pouvait être commis par omission et a ainsi condamné un automobiliste qui se laissa verbaliser pour n’avoir pas attaché sa ceinture de sécurité, alors qu’il était médicalement dispensé de cette précaution ; mais, il ne parla pas de cette dispense aux gendarmes verbalisateurs.
Attendu qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a justifié sa décision au regard de l’article 224 du Code pénal, dès lors que le comportement du prévenu impliquait la conscience chez son auteur qu’il portait atteinte à l’autorité des agents de la force publique.
La parole, publique ou non, est le véhicule le plus commun de l’outrage. La grossièreté des mots employés n’est pas une condition juridiquement nécessaire.  Ainsi, la Cour d’Appel de Paris le 3 avril 2001 a condamné pour outrage à personne dépositaire de l’autorité publique le prévenu qui lors d’une interpellation pour infraction à la circulation routière utilise l’expression « mon pote » envers un policier, et fait une réflexion sur le fait que les policiers feraient mieux de courir après les voleurs ce qui, selon les juges du second degré :
Procède de la volonté de porter atteinte au respect dû au fonctionnaire et à sa fonction en le rabaissant, en niant son autorité et en critiquant la pertinence de ses choix, même si, par son appartenance aux métiers du bâtiment, le prévenu est habitué à l’emploi d’un langage direct, vigoureux et familier.
Pour qu’un outrage soit punissable, il ne suffit pas qu’il manifeste de l’irrespect à l’égard d’une des personnes revêtues d’autorité publique, il faut encore que le coupable ait voulu s’adresser à cette victime. Et il faut encore que l’outrage soit inspiré par le désir d’offenser la puissance publique.
En effet, la loi punit pareillement l’outrage consommé alors que la victime est « dans l’exercice de ses fonctions » et celui qui est perpétré « à l’occasion » de ses fonctions. Il importe donc peu qu’elle ne les exerce pas au moment du délit, si l’intention du prévenu était de s’en prendre à l’incarnation de la puissance publique dans la personne de son adversaire. Par exemple, la Cour d’Appel de Paris le 19 mai 2000 a considéré que :
« le fait d’interpeller une personne fonctionnaire de police regagnant son domicile et de lui tenir des propos outrageants tout en ayant une attitude menaçante, constitue des faits d’outrage. Le fait que la victime n’était pas en service au moment des faits est indifférent, dès lors que propos et attitude ont été tenus en considération des fonctions de la victime et en raison d’une enquête de police diligentée par elle »
Il faut rappeler que l’auteur de l’outrage aux membres d’une formation juridictionnelle bénéficie d’un fait justificatif spécial qui est l’immunité attachée à l’exercice des droits de la défense ; cette cause d’exonération est prévue par l’article 41 de la loi du 29 juillet 1881. Mais le plaideur n’en bénéficie pas si ses propos délictueux sont sans rapport avec sa cause.
M. Damien Meslot nie avoir prononcé cette insulte mais n’avoir dit que « Ce procureur de gauche », et même dans cette hypothèse à suivre l’avis du Procureur du tribunal de Montbéliard dans ses réquisitions « un procureur de la République n’est ni de droite, ni de gauche, il applique la loi », l’on peut se demander si cette circonstance ferait échapper le député au délit d’outrage.

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