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Marque communautaire et « sanction communautaire » ?

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La décision de la Cour de Justice des Communautés Européennes en date du 12 avril 2011 concerne un litige entre les sociétés DHL Express France et Chronopost SA.

La société Chronopost a en effet enregistré la marque française et communautaire Webshipping pour notamment, des services de logistique et de transmission d’informations, de télécommunications, de transport par route, de collecte de courrier, de journaux et de colis ainsi que de gestion de courrier express.

Ayant constaté que la société DHL utilisait les mêmes termes Web et Shipping (accolés ou séparés par un espace),  pour désigner un service de courrier accessible sur le réseau Internet, la société Chronopost l’assigne en contrefaçon devant le Tribunal de grande instance de Paris, saisi en sa qualité de Tribunal des marques communautaires.

La Cour d’Appel interdit à la société DHL la poursuite de l’usage litigieux

En appel, la Cour d’appel de Paris a dans un arrêt en date du 09 novembre 2007, interdit à la société DHL la poursuite de l’usage litigieux, constituant une atteinte à la marque française et communautaire Webshipping.

DHL forme un pourvoi en cassation qui a été rejeté. Mais dans le cadre de cette procédure, la société Chronopost a formé un pourvoi incident. En effet, cette dernière estime que l’interdiction de poursuite des actes de contrefaçon prononcée sur le seul territoire français devrait s’étendre sur l’ensemble du territoire de la communauté conformément à l’article 98 du Règlement n°40/94.

La Cour de cassation a préféré posé une question préjudicielle à la Cour de Justice afin de recevoir  une interprétation du règlement sur les marques communautaires et de connaître l’étendue des décisions d’interdiction de poursuite d’actes de contrefaçon ou de menaces de contrefaçon prononcée par le Tribunal des marques communautaires ainsi que celle des mesures coercitives.

La simple lecture de l’article susmentionné ne nous permet en effet pas de tirer de conclusions. Il est en effet prévu que :

« Lorsqu’un tribunal des marques communautaires constate que le défendeur a contrefait ou menacé de contrefaire une marque communautaire, il rend, sauf s’il a des raisons particulières de ne pas agir de la sorte, une ordonnance lui interdisant de poursuivre les actes de contrefaçon ou de menace de contrefaçon. Il prend également, conformément à la loi nationale, les mesures propres à garantir le respect de cette interdiction » (Article 98 parag 1 du Règlement).

Réponse de la Cour de justice des communautés européennes

La Cour de justice des communautés européennes a répondu en ces termes :

« (…) que l’article 98, paragraphe 1, du règlement n°40/94 doit être interprété en ce sens que la portée de l’interdiction de poursuivre des actes de contrefaçon ou de menace de contrefaçon d’une marque communautaire, dont la compétence est fondée sur les articles 93, paragraphes 1 à 4 et 94, paragraphe 1, de ce règlement, s’entend en principe, à l’ensemble du territoire de l’Union ».

(…) qu’une mesure coercitive , telle une astreinte, ordonnée par un tribunal des marques communautaires en application de son droit national en vue de garantir le respect d’une introduction de poursuivre des actes de contrefaçon ou de menace de contrefaçon qu’il a prononcée, produit effet dans les États membres autres que celui dont relève ce tribunal (…) »

Le contraire aurait pu surprendre.

En effet, la marque communautaire est un titre unitaire, produisant les mêmes effets sur l’ensemble du territoire de la communauté.

Mais comme tout principe, celui-ci reçoit des exceptions.

En effet, la Cour de Justice explique que l’étendue des décisions du Tribunal des marques communautaires dépend de deux choses :

  • de la compétence territoriale du tribunal des marques communautaires,
  • 

Or, il ressort des dispositions de l’article 94 du Règlement n°40/94 que le Tribunal des marques communautaires est compétent sur l’ensemble du territoire de l’Union.

  • de l’étendue territoriale du droit exclusif du titulaire d’une marque communautaire.
  • 

Bien qu’une application distributive d’une décision d’un Tribunal des marques communautaires puisse conduire à s’interroger sur l’intérêt d’un titre et d’une protection uniformes si la mise en œuvre de ce droit ne reçoit pas une application uniforme, et que (comme le rappelle très justement la Cour de Justice), un contrefacteur condamné dans un seul des États membres, pourra recommencer sur un autre territoire ; il convient de garder à l’esprit les limites de la protection par le droit des marques.

Force est en effet de rappeler que le titulaire d’une marque ne peut s’opposer qu’à un usage de sa marque portant atteinte à la fonction de garantie d’origine de la marque.

Et il ressort de la décision de la Cour que la décision du Tribunal des marques communautaires s’applique par principe sur l’ensemble de la communauté sauf à ce que le droit exclusif ne puisse être opposé sur l’ensemble du territoire : défaut d’usage de la marque dans un État membre, défaut d’usage à titre de marque dans un État membre.

Le principe est donc que l’application de la décision du Tribunal national saisi en tant que Tribunal des marques communautaires s’étend sur l’ensemble de la communauté dès lors qu’il y a contrefaçon (ou menace de contrefaçon) sur l’ensemble de la communauté.
En d’autres termes, la protection par un titre communautaire uniforme n’implique pas une « sanction communautaire » de manière automatique.

Reste à connaître la décision que prendra la Cour de cassation dans le cas d’espèce…

Source :

CJUE 12 avril 2011, C-235/09 DHL Express France SAS / Chronopost SA

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