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Deezer pourfend le géant Universal pour abus de position dominante

musique

Dans son ordonnance du 5 septembre 2011, le Président du Tribunal de Grande Instance de Paris a débouté le géant Universal estimant que le site Deezer, avait suffisamment établi « la possibilité que la société Universal Music France ait commis un abus de position dominante ».

Au stade du référé, le Tribunal ne pouvait se prononcer sur le fond de l’affaire

Toutefois il appert que les éléments apportées par la Société Blogmusik, éditrice du site Deezer, pour démontrer un abus de position dominante ont permis à ce stade de la procédure de faire obstacle aux mesures d’interdiction fondées sur le droit d’auteur.

L’occasion d’un tour d’horizon sur une décision qui sonne comme un sérieux avertissement pour Universal.

Deezer est un site de musique en ligne qui offre un service gratuit de musique à la demande en streaming limité à 5h d’écoute par mois mais aussi un service payant d’écoute illimité et de téléchargement de musique. En août 2008, la maison de disque Universal a concédé à Deezer une licence d’exploitation des phonogrammes de son catalogue jusqu’à fin décembre 2008. En juillet 2009, la maison de disque a concédé une nouvelle licence d’exploitation de son catalogue à Deezer ayant pour terme le 31 décembre 2010.

Ayant pris du retard, les négociations en vue de conclure un nouveau contrat de licence, Universal a autorisé Deezer à poursuivre l’exploitation du catalogue jusqu’à la conclusion d’un nouvel accord.

En mai 2011, la maison de disque proposait à Deezer de nouvelles conditions que ce dernier considéra inacceptables alors même que ses concurrents (Spotify et Music Me) les avaient acceptées. Dans la foulée Universal Music décide donc de résilier l’accord autorisant Deezer à proposer en ligne son catalogue.

Ayant poursuivi au-delà de la résiliation l’exploitation du catalogue Deezer se voit assigné en référé au motif que sans le consentement de la maison de disque, il serait en position de contrefacteur pour violation des droits d’auteur d’Universal.

Contre toute attente, le Président du Tribunal refuse de faire droit à la demande d’interdiction d’Universal décidant de faire prévaloir le droit de la concurrence au droit d’auteur.

En effet, pour sa défense, Deezer avance qu’Universal représente à elle seule entre 35 et 45 % du marché de la musique en ligne, 30% des visites du site Deezer et possède 50% des titres du top 100. Dans ce contexte, les nouvelles conditions que tentait d’imposer Universal et la résiliation brutale des accords passés constituaient selon le site de diffusion de musique en ligne une atteinte grave au droit de la concurrence empêchant Universal de se prévaloir de ses droits d’auteur.

Le Tribunal relève à ce titre que le catalogue Universal représente un « élément incontournable et donc indispensable pour la taille et la couverture de la plateforme ». Cela est renforcé par le fait que les titres ont déjà été proposés aux clients de Deezer et que leur absence de l’offre de la plateforme serait d’autant plus dommageable.

L’attitude d’Universal « constitue à [elle] seul[e] un abus de position dominante car le refus porte sur un produit qui est objectivement nécessaire pour exercer une concurrence efficace sur le marché, que le refus est susceptible de conduire à l’élimination d’une concurrence effective sur le marché et enfin le refus est susceptible de léser le consommateur ».

Rappelons à ce stade que l’article L.420-2 du Code de commerce prohibe en effet

« l’exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d’entreprises d’une position dominante sur le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci. Ces abus peuvent notamment consister en refus de vente, en ventes liées ou en conditions de vente discriminatoires ainsi que dans la rupture de relations commerciales établies, au seul motif que le partenaire refuse de se soumettre à des conditions commerciales injustifiées ».

Or, au regard de l’abus de position dominante relevé, le juge des référés déboute Universal de sa demande d’interdiction et condamne cette dernière à 10.000 euros au titre de l’article 700.

Il semble que dans cette affaire le droit de la concurrence ait eu raison des droits d’auteur

Or, bien que longtemps contestée par la doctrine, cette prédominance du droit de la concurrence n’est pas nouvelle. Dans son arrêt MAGILL, la CJUE a ainsi admis que le refus de consentir par le titulaire d’un droit de propriété intellectuelle pouvait être abusif si certaines circonstances exceptionnelles étaient réunies (Cf. CJUE 6 avril 1995). Quatre conditions cumulatives sont toutefois exigés par la jurisprudence (Cf. notamment CJUE 29 avril 2004 IMS) :

  1. Le caractère indispensable de l’objet refusé
  2. L’élimination de la concurrence sur le marché en aval
  3. L’existence d’un produit nouveau
  4. L’absence de justifications objectives

Nul doute qu’Universal et Deezer aient prochainement à discuter devant les juges du fond de l’existence ou non de ces circonstances exceptionnelles dans le cas d’espèce. Toujours est-il que dans sa motivation particulièrement inspirée, le Président du Tribunal de Grande Instance a donné le ton d’une procédure qui s’annonce fort intéressante.

Affaire à suivre, donc…

Source :

legalis.net

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