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Producteurs de bases de données et Moteurs de recherches verticaux

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Le Jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de Paris le 1er Février 2011 est important au regard du juste équilibre qu’il convient de trouver entre la protection des investissements des producteurs de bases de données et la nécessité de préserver la liberté d’entreprendre de sociétés proposant des solutions de recherche d’information adaptées à l’évolution du Web et nécessitant elles aussi d’engager de réels investissements.

Trop d’information tue l’information !

C’est l’adage qui a conduit au développement naturel de nouveaux modèles économiques reposant sur des outils de recherches de plus en plus puissants, performants et ciblés, conçus pour mettre à profit la formidable ressource d’information que contiennent les milliards de pages accessible sur le Web en permettant à leurs utilisateurs d’accéder à l’information qu’ils jugent pertinente au regard de paramètres préétablis et de besoins spécifiques.

Le site Internet Comintoo.com a été créé dans cet esprit pour permettre aux personnes à la recherches de biens immobiliers d’accéder en un seul clic à l’ensemble des annonces de vente ou de location de biens immobiliers correspondant à leurs critères de recherches, disséminées sur  des centaines de sites différents.

L’exemple-type du moteur de recherche vertical utilisant des robots qui balaient les sites immobiliers selon un principe « d’indexation verticalisée » et qui sélectionnent des pages et les classent en fonction d’un algorithme de pertinence par rapport à cinq critères préalablement définis : ville de situation des biens, type, surface, nombre de pièces et prix.

L’éditeur d’un des sites visités par les robots d’indexation du site Comintoo.com a alors fait constater par plusieurs PV d’huissier que des données issues de sa base de données explorimmo.com étaient reproduites de manière systématique et méthodique sur le site comintoo.com.

Fort de ces constats et d’un PV de saisie-contrefaçon, la société éditrice du site explorimmo.com a fait assigner l’éditeur du site comintoo.com pour atteinte à ses droits de producteur de base de données et parasitisme économique.

Pour mémoire, les producteurs de bases de données bénéficient d’un régime de protection spécifique régi par les articles L. 341-1 et suivants du Code de la propriété intellectuelle. Ce droit sui generis aménagé par le législateur a pour objectif de protéger la personne qui prend le risque d’investisseur de manière substantielle dans la création et la mise à jour d’une base données de voir ses investissements protégés contre le pillage des tiers.

La condition pour pouvoir bénéficier de ce régime de protection favorable est de justifier d’un investissement financier, matériel ou humain substantiel pour la constitution, la vérification ou la présentation de la base. En l’espèce, la qualité de producteur de base de données revendiquée par le demandeur n’était pas contestée (à tort ou à raison) de sorte que le débat se transposait alors sur la qualification des faits au regard des prérogatives dont bénéficie le producteur de la base, en application notamment des articles L. 342-1 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Article L342-1 du Code de la propriété intellectuelle : « Le producteur de bases de données a le droit d’interdire :

1° L’extraction, par transfert permanent ou temporaire de la totalité ou d’une partie qualitativement ou quantitativement substantielle du contenu d’une base de données sur un autre support, par tout moyen et sous toute forme que ce soit ;

2° La réutilisation, par la mise à la disposition du public de la totalité ou d’une partie qualitativement ou quantitativement substantielle du contenu de la base, quelle qu’en soit la forme. »

Article L342-2 du Code de la propriété intellectuelle : « Le producteur peut également interdire l’extraction ou la réutilisation répétée et systématique de parties qualitativement ou quantitativement non substantielles du contenu de la base lorsque ces opérations excèdent manifestement les conditions d’utilisation normale de la base de données. »

Ce litige repose la question du lien hypertexte au regard de ces droits des producteurs de bases de données déjà abordée en son temps dans l’affaire « Keljob ».

Il ne s’agit pas de simples liens hypertexte

En l’espèce, il ne s’agit pas de simples liens hypertexte, mais de liens hypertextes complexes s’inscrivant  dans un ensemble contextuel important. En effet, outre le lien hypertexte permettant d’accéder à l’annonce complète du bien à sa source (sur le site Web indexé), les « annonces » indexées sur le site Comintoo.com sont présentées sous un titre précisant l’adresse, le type de bien, le nombre de pièces, la surface et le prix, sont souvent illustrées d’une photographie du bien immobilier, et contiennent également la date de l’annonce, le prix au m2, la qualité de l’annonceur et un très bref extrait de l’annonce en deux lignes.

Après avoir relevé cet état de fait, le Tribunal considère néanmoins que le moteur de recherche comintoo.com  se contente de « mettre à la disposition des internautes, en les indexant par le biais de robots automatisés, des références immobilières sous forme de liens hypertextes permettant d’accéder directement aux sites internet tiers et à leurs contenus. Il ne s‘agit nullement de l’extraction de la base de données de ces sites internet mais de l’indexation du contenu de ces sites internet afin de rediriger l’internaute vers ceux-ci ».

Le Tribunal valide donc le modèle économique du moteur de recherche comintoo.com au regard des dispositions des articles L. 342-1 et L. 342-2 du Code de la propriété intellectuelle ; estimant que l’indexation des annonces telle que décrite ci-dessus ne constitue ni un extraction ni une réutilisation au sens desdits articles.

Cette prise de position marque incontestablement un tournant par rapport à la jurisprudence antérieure (Voir notamment, TGI Paris, 5 septembre 2001, Affaire Cadremploi c./ Keljob et CA Paris, 25 Janvier 2005, Editions Neressis c./ Wanadoo). Elle s’inscrit également à contre-courant de la jurisprudence de la CJUE qui avait une interprétation extensive de la notion d’extraction au sens des textes susvisés.
Pour notre part, nous saluerons cette évolution jurisprudentielle qui témoigne de la capacité des juridictions à adapter l’interprétation des textes en fonction de l’évolution des techniques et de l’économie générale du Web, tout en préservant les droits et intérêts de chacun.

Concernant les demandes formulées au titre du parasitisme économique, le Tribunal déboute également la demanderesse en notant que l’indexation opérée des annonces permettait d’accéder directement au site explorimmo.com, via des liens hypertextes, avec pour effet de générer du trafic sur ce site. Selon le Tribunal, la volonté de la demanderesse n’était donc pas de tirer profit du travail de la demanderesse sans bourse délié, mais de créer un nouveau service visant à faciliter la recherche des internautes, en quête de logements.

Les moteurs de recherche gagnent une première bataille contre les droits des producteurs de base de données ; bataille nécessaire à la survie de l’information pertinente sur Internet…

Source :

A propos de TGI Paris, 1er Février 2011, disponible sur le site legalis.net.

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