Dans un arrêt du 18 mai 2010, la chambre criminelle de la Cour de cassation a admis l’enregistrement vidéo, provenant d’une source anonyme, comme mode de preuve.
Alors que vient de se clore le procès de quatre personnes accusées d’avoir tiré sur des policiers lors des émeutes de Villiers-le-Bel, dans lequel se sont succédés les désistements de témoins sous X, un arrêt de la chambre criminelle intervient sur la question de la recevabilité de preuves obtenues par un témoin anonyme.
En l’espèce, à la suite d’un incendie volontaire, trois policiers ont fait l’objet d’une agression par une vingtaine de personnes cagoulées. Si les policiers ont finalement pu se dégager, leur véhicule a essuyé des coups de feu.
Deux témoins ont été entendus, et ont bénéficié des modalités de l’article 706-58 du Code de procédure pénale. Cet article permet à un témoin, sur autorisation du procureur de la République (en phase d’enquête) ou du juge d’instruction (en phase d’instruction), d’élire domicile à l’adresse du commissariat ou de la brigade de gendarmerie.
Un procès-verbal d’audition a été dressé s’agissant du témoignage du premier témoin. Quant au second témoin, il a fourni un enregistrement vidéo. Néanmoins, aucun des deux témoins n’a pu être retrouvé : ils n’ont donc pas pu être confrontés au prévenu à l’occasion du jugement.
Comment, dès lors, la juridiction de jugement peut-elle considérer ces deux preuves ?
Par cet arrêt, la Cour de cassation a confirmé l’arrêt de la Cour d’appel, qui a écarté des débats le procès-verbal de déclaration du témoin, et n’a fait état que du contenu de l’enregistrement audio-visuel remis par le second témoin, qui a été soumis à la discussion contradictoire.
Cette décision démontre une prudence vis-à-vis de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). En effet, dans une décision Rachdad c./ France du 13 novembre 2003, la CEDH avait considéré que les déclarations de témoins anonymes pouvaient être admises au cours du procès, à la seule condition que le prévenu ne soit pas condamné sur le fondement exclusif de ces déclarations.
C’est donc par prudence que les juridictions du fond ont écarté le témoignage du premier témoin, sans doute afin de permettre l’utilisation de l’enregistrement vidéo fourni par le second témoin.
En effet, cet enregistrement permet de prouver la matérialité des coups de feu sans porter atteinte aux droits de la défense : il peut être soumis à un débat contradictoire, ainsi qu’à des mesures d’expertise technique pour étudier son authenticité.
Sur la question de l’anonymat, le projet de loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (dit LOPPSI 2), permettra aux agents des services de renseignements de déposer leur témoignage dans le cadre d’une procédure judiciaire, sans qu’à aucun moment leur identité ne puisse être révélée.
Sources :
– Cass. Crim, 18 mai 2010, pourvoi n°09-83.156; –Voir le document
– CEDH, Rachdad c./ France, 13 nov. 2003, requête n°71846/01; –Voir le document