01 56 43 68 80

6, rue de Saint-Petersbourg, 75008 Paris

Réparation de l’entier préjudice en cas de manquement contractuel

Logo HAAS 2022

En matière de responsabilité contractuelle l’article 1149 du Code civil rappelle que :
« Les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu’il a faite et du gain dont il a été privé, sauf les exceptions et modifications ci-après »
Par cet article, le législateur a entendu fixer un principe particulièrement protecteur visant à l’indemnisation de l’entier préjudice de la victime. Se posent toutefois plusieurs questions quant à la mise œuvre de ce principe.

Première question : Comment évaluer l’assiette de ce préjudice ?
Deux principaux postes d’indemnisation du préjudice résultant d’une faute contractuelle sont distingués par l’article 1149 du Code civil : la perte subie et le gain manqué.
La perte subie comprend classiquement les frais de procédure, les différentes pertes d’avantages liées aux atteintes subies par le cocontractant victime.
Le gain manqué, quant à lui, se compose de la perte de chance, des redevances manquées ou encore des différents bénéfices manqués dont justifie la victime suite aux manquements contractuels perpétrés. Observons qu’une particularité existe concernant le gain manqué : la Cour Européenne des Droits de l’Homme, en effet, a estimé qu’un gain futur constitue un bien au sens de l’article 1er du protocole de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (Cf. CEDH, sect. II, 25 octobre 2001, Saggio c/ Italie.). Or, la distinction entre le gain manqué et ses composantes peut s’avérer parfois ténue. Il est toutefois possible d’avancer que le gain manqué sera constitué par la perte d’une chance qui était sûre de se réaliser alors que réciproquement la perte d’une chance n’est souvent qu’une fraction d’un gain manqué lorsque celle-ci n’est pas totalement définie. Cependant, la réparation de la perte de chance ne signifie pas pour autant la réparation partielle du préjudice de la victime. La perte de chance signifie bien en matière contractuelle la réparation de l’entier préjudice de la victime mais ce préjudice n’est alors qu’une portion, par exemple, soit des bénéfices attendus de la réalisation du contrat (Cass.Com. 26 novembre 2003 sur le fondement délictuel de l’article L442-6-I du Code de commerce) soit des indemnités envisageables en cas de succès d’un procès (Cf. Cass.Civ. 1re 2 Avril 1997). L’évaluation du préjudice résultera donc en réalité d’une pondération de la contrepartie positive escomptée par la réalisation normale du contrat par le coefficient du risque que cette contrepartie ne soit pas intervenue même en l’absence du manquement contractuel.
Ainsi, en matière contractuelle et en application de l’article 1149 du Code civil, s’est donc l’intégralité du gain manqué et des pertes subies qui devront être indemnisées en cas de manquements
Seules pourront s’opposer à cette indemnisation totale les exceptions suivantes, posées aux articles 1150 et suivants du Code civil : le dommage doit être prévu ou prévisible, il doit être direct, et la réparation doit être limitée au montant prévu dans la clause de limitation de responsabilité sauf si elle est manifestement excessive ou dérisoire

 * * * * * *

Seconde question : A quel moment évaluer le préjudice subi par la victime ?
Deux thèses s’affrontent pour la détermination de ce moment : le moment de la survenue du préjudice ou le moment de la réparation de ce dernier.
Le principe est posé par la Cour de cassation, depuis plus de 50 ans : le préjudice doit être évalué à la date la plus proche de la réparation effective (Cass. Soc., 19 novembre 1953 confirmé entre autres par Cass. Com., 16 février 1954).
Or, comme il est difficile de retenir la date du paiement effectif, la date la plus proche retenue par les Tribunaux est la date à laquelle ils statuent au fond pour la dernière fois (soit décision de premier ressort définitive ou décision d’appel).
Cette position a le mérite de prendre en compte l’éventuelle aggravation du préjudice entre la naissance du droit de créance et le moment où la réparation intervient. A contrario, la baisse du préjudice pourra également être prise en compte par les juges au moment où ils statuent.
En pratique, la fixation du moment de l’évaluation du préjudice reste délicate.
En effet, dans le cadre de leur mission, les juges ont souvent recours aux Experts, notamment pour les aider dans le chiffrage du montant des préjudices. Or, compte tenu des délais de procédure, ces expertises sont fréquemment rendues un long moment avant que la juridiction ne statue au fond, ce qui peut conduire à des écarts important dans l’évaluation finale.
En effet, les juges, lorsqu’ils confirment – comme cela est souvent le cas – les conclusions d’une expertise et le montant fixé dans celle-ci, peuvent être tentés de ne condamner le cocontractant fautif qu’au montant déterminé par les experts sans le réévaluer à la date où ils statuent. Or, une telle erreur de droit est sanctionnée traditionnellement par la Cour de Cassation.
Cette dernière a déjà eu l’occasion de rappeler, sous le visa de l’article 1149 du code civil « qu’en statuant ainsi, sans réévaluer ce préjudice à la date de sa décision, ou s’expliquer sur les motifs justifiant une absence de revalorisation à cette date, la cour d’appel a violé le texte susvisé. »(Civ. 1re 6 octobre 1998)
Les juges du fond sont donc tenus de systématiquement réévaluer le préjudice au jour où ils statuent

 * * * * * *

Certains litiges complexes entre co-contractants donnent souvent lieu à plusieurs missions d’expertise dans le cadre de la procédure qui les oppose. A cette occasion, les Experts désignés peuvent être amenés à donner leur appréciation sur le préjudice subi par la victime de manquements contractuels.
En application de l’article 1149 du Code civil, ce préjudice pourra intégrer les pertes directes subies par la demanderesse mais également le gain manqué, dont le quantum est plus délicat à fixer pour remplir l’objectif de réparation de l’entier préjudice.
Or, face aux délais inhérents à toute procédure et à l’évolution fréquente du montant de ce préjudice dans le temps, la Cour de Cassation rappelle le principe suivant lequel il appartient aux juges du fond, dans le cadre de leur pouvoir souverain d’appréciation, de réévaluer ce préjudice au jour où ils statuent.

ENVELOPPE NEWSLETTER copie

L'actu juridique numérique
du mardi matin.

Inscrivez-vous pour recevoir nos derniers articles, podcasts, vidéos et invitations aux webinars juridiques.

*Champs requis. Le cabinet HAAS Avocats traite votre adresse e-mail pour vous envoyer ses newsletters.

Vous pouvez accéder aux données vous concernant, les rectifier, demander leur effacement ou exercer votre droit à la limitation du traitement de vos données en nous contact à l’adresse mail suivante : dpo@haas-avocats.com