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Zoom sur le statut d’hébergeur sur internet et la procédure à suivre pour engager sa responsabilité

hebergeur

Le 17 février 2011, la Cour de cassation a rendu trois arrêts : arrêts DailyMotion, Fuzz et Amen – qui apportent deux précisions sur le statut d’hébergeur : la première relative à son identification,   la seconde concerne  les mentions obligatoires qui doivent être contenues dans  une  notification de contenu illicite pour être efficace. Explications.

Le statut d’hébergeur sur Internet clarifié

La loi du 21 juin 2004, dite LCEN (Loi pour la Confiance en l’Économie Numérique), définit la notion d’hébergeur. L’hébergeur est une personne, physique ou morale,  « qui assure, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services » (Article 6-1-2 de la loi LCEN).

Toutefois cette définition est imprécise. En pratique, la frontière entre la notion d’hébergeur (intermédiaire technique protégé) et celle d’éditeur (qui ne bénéficie d’aucun régime de responsabilité aménagé) a été source de contentieux car  nombre d’éditeurs se qualifiaient d’hébergeurs afin de voir diluer leur responsabilité sur les contenus.

C’est la jurisprudence qui a tracé, au cas par cas, la ligne de démarcation.  Concrètement,  l’hébergeur qui organise (TGI PARIS, 22 juin 2007 Myspace C/ Lafesse) ou exploite  lucrativement les données diffusées (Cass. Civ.I, 14 janvier 2010 Tiscali) s’expose à être qualifié d’éditeur et de ce fait, il  ne bénéficie plus du  régime aménagé de responsabilité.

C’est une source d’insécurité juridique puisque bien souvent les professionnels de l’internet  ignorent  leur statut juridique. Les trois arrêts rendus par la Cour de Cassation le 17 février 2011 modifient  cet état de fait.

Désormais, est hébergeur l’intermédiaire informatique qui effectue  des prestations purement techniques (Arrêt Dailymotionen vue de faciliter l’usage du site internet par le public (arrêt Fuzz).

Peu importe, donc, que celui-ci exploite de manière lucrative les contenus édités par les internautes (Arrêt DailyMotion qui opère un revirement de la Jurisprudence Tiscali de 2010 cf supra).

Ainsi,  un prestataire qui fournit un hébergement et n’effectue que des opérations techniques sur les contenus apportés (ré-encodage, classification par mots-clefs, formatage…) en vue de leur diffusion pourra être qualifié hébergeur.

Par conséquent, la Cour met fin à l’insécurité juridique entourant la notion d’hébergeur : celui-ci ne pourra voir sa responsabilité engagée s’il se contente d’apporter des transformations techniques au contenu diffusé.

En outre, la Cour précise également, par ces arrêts, les modalités de mise en œuvre de la responsabilité des hébergeurs.

Procédure à suivre pour engager  la responsabilité des hébergeurs

L’hébergeur est défini par la loi du 21 juin 2004 comme un intermédiaire technique. A ce titre, il bénéficie d’un régime de responsabilité atténué. L’article 6-1-1 de la LCEN prévoit le principe de l’irresponsabilité civile et pénale de l’hébergeur quant au contenu des sites hébergés. Cependant, sa responsabilité pourra être mise en œuvre s’il est averti du contenu illicite d’un site, et qu’il n’en suspend pas promptement la diffusion.

Comment rapporter la preuve d’un tel manquement ?

La LCEN prévoit un mécanisme dit de présomption par notification. Ce dispositif d’alerte fonctionne en deux temps :

  • Notification du contenu illicite à l’hébergeur avec mise en demeure de le retirer promptement
  • Démonstration de la faute de l’hébergeur concernant  ledit retrait

En pratique, un internaute identifie un contenu illicite sur internet. Il doit en informer l’hébergeur par le biais d’une notification de contenu illicite.
Notification devant comprendre (article 6-1-5 de la loi LCEN) :

  1. La date de la notification
  2. Si le notifiant est une personne physique : ses nom, prénom, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance ; si le requérant est une personne morale : sa forme, sa dénomination, son siège social et l’organe qui la représente légalement ;
  3. Les nom et domicile du destinataire ou, s’il s’agit d’une personne morale, sa dénomination et son siège social ;
  4. La description des faits litigieux et leur localisation précise ;
  5. Les motifs pour lesquels le contenu doit être retiré, comprenant la mention des dispositions légales et des justifications de faits ;
  6. La copie de la correspondance adressée à l’auteur ou à l’éditeur des informations ou activités litigieuses demandant leur interruption, leur retrait ou leur modification, ou la justification de ce que l’auteur ou l’éditeur n’a pu être contacté.

En tant que telle, la communication de ces éléments ne suffit pas à engager la responsabilité de l’hébergeur.

Elle ne le sera que si l’information dénoncée comme illicite « présentait manifestement un tel caractère » (Cons. Constit.  10 juin 2004)

Si le contenu est réellement illicite, l’hébergeur devra retirer ces données. Sinon, il engage sa responsabilité. Dans ce contexte, la question est : une notification incomplète permet elle d’engager la responsabilité de l’hébergeur ?

Cette question est pertinente si on considère qu’identifier le contenu, et donc permettre à l’hébergeur d’apprécier sa licéité, est la seule obligation du notifiant. ( cf CA Toulouse, 19 mai 2009).

La Cour, dans l’arrêt AMEN, établit que toutes les mentions spécifiées à l’article 6-1-5 de la loi LCEN sont obligatoires. L’Arrêt Dailymotion affirme, également, que «  la notification délivrée au visa de la loi du 21 juin 2004 doit comporter l’ensemble des mentions prescrites par ce texte […]»

Mais attention, la notification sera nulle si ces mentions ne sont pas respectées et la responsabilité de l’hébergeur ne pourra pas, alors,  être engagée.

En prononçant la nullité de la notification incomplète, la cour de cassation considère comme dispositions d’ordre public les exigences du texte. Ce qui implique, qu’on ne peut déroger par convention à ces dispositions.

Par conséquent, les alertes de contenus illicites proposées sur le site de l’hébergeur ne peuvent être qualifiées de notification au sens de l’article 6-1-5 de la LCEN.

Observons que le signalement d’un contenu illicite obéit à un certain nombre de contraintes et si l’on veut voir prospérer sa démarche, il faut veiller à ce que les dispositions de l’article 6-1-5 LCEN soient parfaitement suivies.

La personne la plus habilitée à rédiger efficacement une notification est l’avocat.

En résumé

Est hébergeur, l’intermédiaire technique qui met à la disposition des tiers les outils permettant de communiquer des informations en ligne. L’hébergeur peut procéder à des modifications techniques du contenu, à son indexation et peut proposer des encarts publicitaires associés à la diffusion de ces contenus. Il ne peut cependant intervenir dans la création ou la sélection des contenus diffusés. A défaut, il pourra être qualifié d’éditeur de contenu.

L’hébergeur bénéficie d’un régime de responsabilité atténuée. Ce régime protecteur peut prendre fin si des faits litigieux sont portés à sa connaissance par notification et qu’il n’en suspend pas promptement la diffusion.

La notification doit impérativement contenir l’ensemble des mentions énumérées à l’article 6-1-5 de la loi du 21 juin 2004 dite LCEN.

A défaut, la responsabilité de l’hébergeur ne pourra être engagée.

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