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Quel prix pour le livre électronique ?

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Le 26 mai 2011 fut promulguée la loi n°2011-590 relative au prix du livre numérique.
Il est difficile de juger de la portée de ce texte de prime abord.

Pourquoi légiférer sur le prix des livres électroniques alors que le marché français est inexistant ?

Tout d’abord, l’enjeu de la réglementation du prix de vente du livre numérique est sociétal. Il s’agit d’organiser la défense de la création et des créateurs.
En effet, la crainte du législateur est que de grands groupes investissent ce marché et profitent de leurs positions dominantes afin d’imposer le prix de vente effectif des œuvres, et donc de la marge commerciale.
A l’instar de l’industrie musicale, cette prise de contrôle se traduit par un appauvrissement de la rémunération des créateurs et de la création elle-même .
Autrement dit, le risque serait de voir le livre électronique se transformer en « produit d’appel » pour des professionnels souhaitant commercialiser d’autres types de biens ou services (matériel, bande passante, publicité…).
En conséquence, le législateur doit assurer aux éditeurs et auteurs la possibilité de déterminer le prix de vente du livre numérique. Cela est essentiel à la préservation de la diversité de l’offre émanant des éditeurs et des libraires .
Ensuite, l’enjeu de la réglementation des modalités de vente du livre numérique est économique.
S’il est encore insignifiant en France, aux États-Unis le marché du livre électronique connait une progression significative.
Ainsi, le nombre d’utilisateurs d’appareils dédiés à la lecture de livres électroniques a plus que doublé en 14 mois aux États-Unis.
De plus, la part des consommateurs de livres imprimés téléchargeant des livres électroniques a augmenté de 5 % en octobre 2010, à près de 13 % en janvier 2011 .
Dans le même temps, une logique de réduction des couts incite de nombreux éditeurs à publier leurs auteurs de cette manière. Certains auteurs, souhaitant se libérer de l’emprise de leur éditeur ou dont les manuscrits n’ont pas été acceptés par des éditeurs pour une édition papier, sont aussi séduits par ce nouveau médium.
L’actuel « boom » économique ne fait que préfigurer les contours de ce marché naissant.
Nous ne pouvons aujourd’hui qu’imaginer ce que seront ces futures œuvres. A ce titre, la description (prophétique ?) imaginée par le Ministre de la culture est édifiante:

« Un produit qui, outre le roman d’un auteur contemporain, comprendra un extrait de l’émission de Pivot enregistrée en 1958, un entretien avec un grand critique qui se sera exprimé sur le livre, et des extraits d’une adaptation pour la télévision et le cinéma. »

Les enjeux sont donc importants.
Cependant, on peut s’interroger sur l’efficacité de ce texte trop limité au regard de l’objet qui l’anime.
Qu’y a-t-il de novateur dans ce texte ?

Champ d’application de la loi

L’article 1 de la loi n°2011-590 du 26 mai 2011 dispose :

« La présente loi s’applique au livre numérique lorsqu’il est une œuvre de l’esprit créée par un ou plusieurs auteurs et qu’il est à la fois commercialisé sous sa forme numérique et publié sous forme imprimée ou qu’il est, par son contenu et sa composition, susceptible d’être imprimé, à l’exception des éléments accessoires propres à l’édition numérique.
Un décret précise les caractéristiques des livres entrant dans le champ d’application de la présente loi. »

Cette loi ne s’applique donc qu’au livre numérique « homothétique », c’est-à-dire « un livre reproduisant pour l’essentiel la même information que celle contenue dans le livre imprimé, sans pour autant se limiter au texte (cas des bandes dessinées, des livres d’art, de photographies…) et tout en admettant certains enrichissements (comme un moteur de recherche interne) » .

Périmètre de la loi

Ce choix législatif permet d’avoir un objet clairement délimité et ainsi d’atténuer les effets pervers possibles de l’explosion du livre électronique, à savoir la cannibalisation du livre papier.
Cependant, cette définition restreint de façon significative la portée de ce texte qui, s’il couvre l’essentiel de la production des livres électroniques actuelle, risque de devenir rapidement obsolète.

Fixer un prix de vente qui s’impose aux partenaires

Les articles 2 et 3 de la loi visent à assurer un prix unique de l’œuvre pour l’ensemble des canaux de distribution. C’est pourquoi la prérogative de détermination du prix du livre électronique n’appartient qu’à celui qui l’édite.
Cependant, et c’est la critique majeure que nous pouvons faire à ce texte, l’article 2 ne vise que « la personne établie en France qui édite un livre numérique dans le but de sa diffusion commerciale en France (…) ».
Quel impact pouvons nous espérer d’une disposition qui épargne les futurs géants de la distribution de ces formats tels Google, Microsoft, Apple ou encore Amazon ?
Le numérique ne connait pas de frontières, on peut donc s’interroger sur l’efficacité pratique de cette disposition.

Garantir aux auteurs une rémunération juste et équitable

Les modifications apportées à l’article L.132-5 du code de la propriété intellectuelle tendent à assurer aux auteurs une rémunération « juste et équitable » découlant de l’exploitation du livre électronique.
Cette disposition (qui n’était pas dans le projet de loi originel) traduit efficacement la volonté du législateur : protéger l’auteur.
Ainsi si l’efficacité de cette loi peut être discutée, elle reste un signal fort en faveur de la protection des créateurs.
En conséquence, le professionnel du droit doit accorder une vigilance toute particulière à la rédaction des contrats d’édition concernant les livres électroniques, et, notamment, aux modes de rémunération des auteurs mis en place.
Source :
La loi n°2011-590 relative au prix du livre numérique.
C. DUMAS et J. LEGENDRE, Proposition de loi relative au prix du livre numérique, déposé au sénat le 8 septembre 2010.
P. ZELNIK, J. TOUBON et G. CERRUTI, Rapport Création et Internet destiné au Ministre de la culture et de la communication, Janvier 2010.
BOOK INDUSTRY STUDY GROUP (BISG), Etude publiée le 29 avril 2011.
F. MITTERAND, Ministre de la culture et de la communication, Compte rendu des débats de la séance du 26 octobre 2010.
P. ZELNIK, J. TOUBON et G. CERRUTI, Rapport Création et Internet destiné au Ministre de la culture et de la communication, Janvier 2010.

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