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Les syndicats peuvent-ils notifier par voie électronique leur opposition à un accord collectif ?

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En France, les normes sociales (condition d’emploi, de travail et de garanties sociales) peuvent faire l’objet d’une négociation collective entre les employeurs et les employés, entre les organisations patronales et les organisations syndicales.

La convention collective détermine l’ensemble des conditions de travail et des garanties sociales. L’accord collectif ne porte que sur quelques-uns de ces sujets. La différence du champ d’application de ces deux sources de droit peut être de nature géographique et/ou professionnelle.

Dans le cadre d’un accord de branche ou professionnel, l’article L2232-6 du Code du travail (CT) dispose que l’accord est valablement signé s’il recueille au moins 30% des suffrages exprimés et si aucune opposition d’au moins 50% d’une ou plusieurs organisations syndicales n’est notifiée, dans les conditions de l’article L2232-8 CT, dans les quinze jours à compter de la date de notification de l’accord.

L’enjeu est donc de taille.

 

1/ Contexte

Le 19 décembre 2014, Pole Emploi et plusieurs syndicats (CFE-CGC métiers de l’emploi, Fédération CFDT des syndicats du personnel de la protection sociale du travail et de l’emploi, syndicat national CFTC emploi) signaient un accord collectif relatif à la classification des emplois et à la révision de certains articles de la Convention collective nationale de Pôle Emploi du 21 novembre 2009.

Conformément à l’article L2231-5 CT, l’accord était notifié le même jour aux organisations syndicales non signataires.

Ces syndicats se sont opposés à l’entrée en vigueur de l’accord, ce que leur permettent les articles L2231-6 et L2232-8 CT. Cette opposition était notifiée par remise en main propre à un représentant habilité de Pôle Emploi et par courriers électroniques aux autres organisations syndicales signataires.

Ces dernières contestaient la remise numérique.

 

2/ La valeur juridique des communications électroniques

Le droit n’ignore plus les possibilités permises par les nouvelles technologies de l’information et de la communication, la rapidité et la simplicité qu’elles apportent aux nombreuses formalités dont le caractère obligatoire donne valeur juridique aux droits substantiels. Les procédures numériques acquièrent ainsi petit à petit leur validité juridique, que l’on pense par exemple à la conclusion des contrats par voie électronique (articles 1125 à 1127-4 du Code Civil), ou plus récemment à la contestation dématérialisée d’un PV électronique (arrêté du 20 mars 2017).

En ce qui concerne la notification de l’opposition des syndicats non signataires à un accord collectif aux autres organisations syndicales signataires, la question se posait de savoir s’il est possible d’y procéder par voie électronique. En effet, l’article L2231-8 CT dispose que « L’opposition à l’entrée en vigueur (…) d’un accord est exprimé par écrit (…). Cette opposition est notifiée aux signataires ». Mais il est muet sur la forme matérialisée ou dématérialisée de cette notification, alors même qu’aujourd’hui, la transition digitale permet légitimement de poser la question. C’est la Cour de cassation, confirmant l’arrêt de la Cour d’Appel de Paris du 7 janvier 2016, qui y répond par son arrêt du 23 mars 2017 (pourvois n°16-13159 et 16-13805).

 

3/ La validité juridique de l’opposition par voie électronique à un accord collectif

Selon les organisations syndicales demandeurs au pourvoi, l’opposition à l’accord collectif devait nécessairement être notifiée par écrit, puisque selon elles, elle est « indissociable de l’acte d’opposition lui-même », que l’article L2231-8 CT impose de formuler par écrit.

Toujours selon elles, cette exigence découlerait du silence de la loi sur la forme de la notification, dans la mesure où ni l’article L2231-8 CT ni aucun autre texte spécial ne permet explicitement une notification par courrier électronique.

Les demandeurs au pourvoi visaient en outre les anciens articles 1108-1, 1316-1 et 1316-4 du Code civil, antérieurement à la réforme de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016.

L’on peut comprendre les visas des anciens articles 1316-1 et 1316-4 du Code civil. En effet, ceux-ci imposent plusieurs conditions à l’écrit électronique, à son établissement, à sa conservation et à sa signature pour que l’identité de son signataire soit assurée et pour que son intégrité soit garantie. Ces conditions engagent la validité juridique de l’acte, sa qualité de preuve et les organisations syndicales pouvaient attendre du juge qu’il vérifie les conditions de la notification au regard de ces articles.

Mais cette question ne se posait qu’incidemment à la principale : avant de vérifier les conditions de validité et de preuve d’un écrit ou d’une signature électronique, encore faut-il que cet écrit électronique soit autorisé.

D’où l’on peut se demander pourquoi les organisations syndicales demandeurs au pourvoi visent l’ancien article 1108-1 CC, puisqu’il dispose de manière générale que : « Lorsqu’un écrit est exigé pour la validité d’un acte juridique, il peut être établi et conservé sous forme électroniques (…) » (et ce « dans les conditions prévues » aux anciens articles 1316-1 et 1316-4 CC, question incidente).

Le simple syllogisme juridique permet de déclarer que la notification de l’opposition à un accord collectif peut se faire par courrier électronique.

Selon l’article L2231-8 CT, cette opposition doit se faire « par écrit ». En application de l’article 1108-1 CC, lorsqu’un écrit « exigé pour la validité d’un acte juridique (…) », tel que c’est le cas pour l’opposition à un accord collectif, « il peut être établi et conservé sous formes électroniques ». Ainsi, cette opposition pouvait se faire sous forme électronique. Partant, et selon le raisonnement des demandeurs au pourvoi, si la notification de l’opposition est  « indissociable de l’acte d’opposition lui-même », elle pouvait également être réalisée par courrier électronique.

Il n’en faut pas moins à la Cour de cassation pour parvenir à cette solution par un attendu de principe. Celle-ci énonce de manière lacunaire mais on ne peut plus claire : « attendu qu’il résulte de l’article L. 2231-8 du code du travail que l’opposition à l’entrée en vigueur d’une convention ou d’un accord d’entreprise doit être formée par des personnes mandatées par le ou les syndicats n’ayant pas signé l’accord et être notifiée aux signataires de l’accord ; que satisfait aux exigences de ce texte la notification de l’opposition par la voie électronique ».

La transition digitale poursuit ainsi son chemin à travers nos normes. A la suite de son intégration par les juges, le législateur ne devrait qu’être enclin à modifier l’article L2231-8 CT en prévoyant la possibilité d’une notification à un accord collectif par voie électronique.

Expert depuis plus de vingt ans dans le domaine des NTIC, le Cabinet HAAS reste à votre disposition pour vous conseiller en la matière.

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