[vc_row][vc_column][vc_video link= »https://youtu.be/XelPzHpzY3A »][vc_column_text]Par un arrêt en date du 10 mai 2011, la chambre commerciale de la Cour de cassation a pu se prononcer plus amplement sur la notion d’usage dans la vie des affaires de la marque à la lueur des textes et de la jurisprudence de l’Union Européenne.
En effet rappelons que le livre VII du Code de la propriété intellectuelle consacré à la réglementation des marques françaises est régulièrement interprété à la lumière de la Directive 2008/95/CE du Parlement et du Conseil du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques.
Plus précisément, ce sont les articles 5 et 6 de cette directive qui guident le titulaire de la marque dans son utilisation.
Directive 2008/95/CE du Parlement et du Conseil du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques
Article 5 Droits conférés par la marque
1. La marque enregistrée confère à son titulaire un droit exclusif. Le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires:
a) d’un signe identique à la marque pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels celle-ci est enregistrée;
b) d’un signe pour lequel, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services couverts par la marque et le signe, il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion qui comprend le risque d’association entre le signe et la marque.2. Tout État membre peut également prescrire que le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d’un signe identique ou comparable à la marque pour des produits ou des services qui ne sont pas comparables à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, lorsque celle-ci jouit d’une renommée dans l’État membre et que l’usage du signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque ou leur porte préjudice.
3. Si les conditions énoncées aux paragraphes 1 et 2 sont remplies, il peut notamment être interdit:
a) d’apposer le signe sur les produits ou sur leur conditionnement;
b) d’offrir les produits, de les mettre dans le commerce ou de les détenir à ces fins, ou d’offrir ou de fournir des services sous le signe;
c) d’importer ou d’exporter les produits sous le signe;
d) d’utiliser le signe dans les papiers d’affaires et la publicité.4. Lorsque, antérieurement à la date d’entrée en vigueur des dispositions nécessaires pour se conformer à la directive 89/104/CEE, le droit de cet État ne permettait pas d’interdire l’usage d’un signe dans les conditions visées au paragraphe 1, point b), ou au paragraphe 2, le droit conféré par la marque
n’est pas opposable à la poursuite de l’usage de ce signe.5. Les paragraphes 1 à 4 n’affectent pas les dispositions applicables dans un État membre et relatives à la protection contre l’usage qui est fait d’un signe à des fins autres que celle de distinguer les produits ou services, lorsque l’usage de ce signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque ou leur porte préjudice.
Article 6
Limitation des effets de la marque
1. Le droit conféré par la marque ne permet pas à son titulaire d’interdire à un tiers l’usage, dans la vie des affaires:
a) de son nom et de son adresse;
b) d’indications relatives à l’espèce, à la qualité, à la quantité, à la destination, à la valeur, à la provenance géographique, à l’époque de la production du produit ou de la prestation du service ou à d’autres caractéristiques de ceux-ci;
c) de la marque lorsqu’elle est nécessaire pour indiquer la destination d’un produit ou d’un service, notamment en tant qu’accessoires ou pièces détachées, pour autant que cet usage soit fait conformément aux usages honnêtes en matière industrielle ou commerciale.
2. Le droit conféré par la marque ne permet pas à son titulaire d’interdire à un tiers l’usage, dans la vie des affaires, d’un droit antérieur de portée locale si ce droit est reconnu par la loi de l’État membre concerné et dans la limite du territoire où il est reconnu.Cette notion d’usage dans la vie des affaires est déjà connue de la jurisprudence communautaire.
C’est ainsi que, dans un arrêt Arsenal Football Club en date du 12 novembre 2002, l’ancienne Cour de Justice des Communautés européennes a considéré que l’usage de la marque est reconnu, dès lors qu’il se situe dans le contexte « d’une activité commerciale visant à un avantage économique et non dans le domaine privé » (CJCE, 12 novembre 2002, affaire C-206/01, Arsenal Football Club, point 40).
Plus récemment, la Cour de Justice de l’Union Européenne, a reconnu que la sélection d’un mot clé identique à la marque, utilisé en lien promotionnel vers le site internet, doit être considéré par l’annonceur comme un usage commercial et non privé (CJUE 23 mars 2010, Affaires C-236/08 à C-238/08 Google c./Louis Vuitton Malletier et CJUE, 8 juillet 2010 Affaire C-558/08 Portakabin c./ Primakabin, CA Paris, 2 février 2011, Affaire Auto-IES).
Toutefois, cette jurisprudence ne définit pas précisément la frontière séparant la notion d’avantage économique et de domaine privé. Elle laisse par conséquent toute liberté d’appréciation aux juges du fond.
La jurisprudence française, quant à elle, ne retenait pas systématiquement l’usage de la marque dans la vie des affaires comme une condition nécessaire à la caractérisation de la contrefaçon (Cass. Crim. 18 mai 1999 n° pourvoi : 97-86442). A tout le moins cet usage devait être effectué à des fins commerciales ou publicitaires (TGI Paris, 11 octobre 2000, RDPI 20001, n° 126, p13).
La Cour d’appel, dont l’arrêt a fait l’objet du pourvoi, a donc pris le soin de reprendre la jurisprudence développée par la Cour de Justice de l’Union Européenne, et pris le parti de l’approfondir au regard des textes en présence.
C’est ainsi qu’elle s’est appuyée sur l’article 16 de l’accord ADPIC du 15 avril 1994 pour définir l’activité commerciale comme l’ensemble des opérations qui s’inscrivent dans le domaine économique et qui visent à l’obtention d’un avantage direct ou indirect de nature économique (CA Paris, 12 mars 2010 n°RG : 08-15025).
La Cour de cassation approuve cette analyse et reprend la motivation de la Cour d’appel. De cette manière, elle positionne désormais fermement la jurisprudence sur la notion de « vie des affaires » comme condition nécessaire à la caractérisation de la contrefaçon.
A ce titre, notons que cet avantage peut être direct ou indirect, précision qu’il n’existe pas dans la jurisprudence communautaire.
En l’espèce, il s’agissait d’une lettre d’information syndicale opposant deux fédérations du secteur notarial utilisant la marque « La Basoche ». Appréciant que cette lettre n’avait pour objet que de donner aux salariés concernés des informations relatives au droit du travail, aux négociations en cours, aux enjeux sociaux… l’usage de la marque a été considéré par la Cour comme étranger à la vie des affaires en ce qu’il n’était que l’expression d’une communication syndicale. La Cour tirant les conséquences de ses propres constatations a donc rejeté l’action en contrefaçon.
Toutefois, il reste de nombreux cas où les juridictions devront se prononcer afin de délimiter précisément ce cadre juridique.
A titre d’exemple le curriculum vitae des dirigeants est souvent publié dans la rubrique « Qui sommes-nous ? » de leur site Internet. Dans ce cadre, il n’est pas rare que lesdits dirigeants mentionnent leurs anciens employeurs dont la dénomination sociale a fait l’objet d’un dépôt à titre de marque.
Dès lors, l’usage desdites marques, en tant que référence professionnel sur un site Internet concurrent, doit-il être inclus dans la vie des affaires ?
En effet, il pourrait être défendu, au même titre que la liberté syndicale, que le droit à l’information légitime cet usage envers des consommateurs curieux de connaître les références du professionnel auquel ils s’adressent.
Nous laisserons donc cette réflexion à l’appréciation de chacun.
Mais ce cas démontre, de toute évidence, que les notions employées restent floues et pour le moins subjectives.
Source :
Arrêt en date du 10 mai 2011, la chambre commerciale de la Cour de cassation.[/vc_column_text][/vc_column][/vc_row][vc_row][vc_column][/vc_column][/vc_row]