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Quand les voitures autonomes rappellent la nécessité de réglementer l’AI

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Début mai 2017, Samsung a obtenu du Ministère sud-coréen des Transports le droit de tester sur les routes du pays le premier véhicule autonome équipé de ses logiciels d’intelligence artificielle, quelques mois après avoir acheté le groupe Harman pour environ 8 milliards de dollars.

Au programme notamment : la reconnaissance d’images capable d’égaler la vision humaine, même en conditions extrêmes.

Leurs concurrents Hyundai et Kia travaillent aussi à construire la voiture du futur, en parallèle des sociétés Naver ou SK Telecom qui s’occupent des composants et algorithmes qui les équiperont.

 

1/ Contexte

L’Intelligence artificielle avance à grands pas, et l’Union européenne en est bien consciente.

Ainsi, le Parlement européen s’est saisi du sujet pour adopter la Résolution du 16 février 2017 2015/2103 (INL) afin de pousser la Commission européenne à adopter une directive sur le sujet.

Les majors du secteur n’attendent pas de mise à jour juridique pour développer l’intelligence artificielle et ses nombreuses applications, robots ou véhicules qui en sont dotés. Ainsi, pour ne pas subir la loi du plus fort, le Parlement a pris les devants face à cette forte compétitivité internationale.

Le droit existant en matière de technologies de l’information et de la communication, mais aussi en matière de propriété intellectuelle, de responsabilité, ou de vie privée est certes en constante évolution et, dans une certaine mesure, flexible, mais il convient en effet d’harmoniser cette adaptabilité et même de prévenir les évolutions technologiques.

Cette Résolution propose donc autant de recommandations de droit « dur » que de « soft Law ».

 

2/ Intelligence artificielle, robots…de quoi parle-t-on ?

La Résolution du Parlement (Résol. 16 février 2017, pt. 1) définit l’intelligence artificielle par son incarnation robotique, à l’image des personnages  Asimov Isaac, en retenant « l’existence d’un support physique, même réduit ».

Cette conception réductrice de l’AI est à déplorer, là où la norme ISO 2382-28 la définit comme la capacité d’une unité fonctionnelle à exécuter des fonctions généralement associées à l’intelligence humaine, tel que le raisonnement et l’apprentissage (« capability of a functional unit to perform functions that are generally associated with human intelligence such as reasoning and learning »).

Au risque de bloquer l’application du droit à ces développements technologiques, il aurait sans doute mieux valu opter pour une définition-cadre, ne limitant pas l’AI à une éventuelle corporalité physique, mais en reconnaissant sa capacité d’apprentissage et son autonomie.

D’ailleurs (et pourtant !), le Parlement le préconise (Résol. 16 février 2017, pt. X) en considérant qu’il y a lieu d’adopter, « une approche graduelle, pragmatique et prudente par rapport à toute future initiative relative dans le domaine de la robotique et de l’intelligence artificielle, pour ne pas freiner l’innovation ».

 

3/ AI ou robots, comment le droit peut-il les appréhender ?

 

  • Les robots et l’AI : des personnes ?

 

La Résolution du Parlement y songe en énonçant « la création, sur le long terme, d’un statut légal spécifique aux robots, pour qu’au moins les robots autonomes les plus sophistiqués soient considérés comme des personnes électroniques responsables, tenus de réparer tout dommage qu’ils causent à un tiers » (Résol. 16 février 2017, pt. 59, f)).

Toutefois, le principal obstacle juridique à l’incorporation des robots et de l’AI dans la catégorie des êtres humains est pour l’instant l’absence de patrimoine qui viendrait garantir sa responsabilité, dont tout sujet de droit est doté, sauf à remettre en cause nos grandes distinctions juridiques, ce que l’on conçoit mal.

 

 

  • Se pose alors au préalable, à travers cette question de la responsabilité, celle de la propriété du robot ou de l’AI.

 

Si l’on considère l’AI, à savoir ses algorithmes, force est de constater l’absence de propriété. Les algorithmes, trop abstraits et proches des idées, ne sont en effet pas protégés par la propriété intellectuelle.

Si l’on considère le robot, deux approches sont à prendre en compte.

Dans un premier temps, le robot est objet de droit, et plus particulièrement de propriété intellectuelle (droit commun, marques, dessins, modèles ou brevets) autant pour l’enveloppe physique que pour ses logiciels.

Dans un second temps, le robot pourrait devenir sujet de droit par ses actes de création. Pour s’en rendre compte, il faut citer les exemples des compositeurs EMI ou Emily Howell, l’inventeur Robot Scientist Adam…Cependant, les conceptions européennes, mais aussi françaises, de la qualité d’auteur restent attachées à l’esprit humain créateur (CJUE, 1er dec. 2011, aff. C-145/10, Eva Maria Painer c/ Standard VerlagsGmbH et autres et Civ. 1ère, 8 dec. 1993, n° de pourvoi 91-20170).

 

 

  • AI et robots : quelle responsabilité ?

 

Il faut envisager aussi bien le fabricant que le concepteur des logiciels, puis le propriétaire ou l’utilisateur du robot comme de l’AI. Les rédacteurs de la Résolution visent ainsi toutes les responsabilités possibles le long de la chaîne de développement du robot ou de l’AI (Résol. 16 février 2017, pt. 57). A ce sujet, ils s’intéressent tout particulièrement aux voitures intelligentes, à l’instar de celle de Samsung, en raison des dommages qu’ils peuvent causer.

En France, la loi n°2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte a déjà autorisé le gouvernement à réglementer par ordonnance dans le cadre de la circulation à des fins expérimentales des voitures dotées de logiciels d’intelligence artificielle.

En tout état de cause, la garantie des vices cachés et la responsabilité des produits défectueux semblent pour l’instant les plus adaptées à la matière, ainsi que, pour cette dernière, son système d’exonération pour risques de développement en raison de l’évolution exponentielle des domaines d’applications de l’intelligence artificielle.

 

 

  • Le deep learning de l’AI et des robots pose enfin la question de la protection des données personnelles

 

En effet, le propre de l’AI est d’apprendre en collectant et en traitant massivement tout type de données. Dès lors, les rédacteurs de la Résolution du 16 février 2015 s’inquiètent de leur protection, à la lumière du Règlement européen pour la protection des données, adopté le 27 avril 2016 et en vigueur le 25 mai 2018. La Résolution fait ainsi référence aux grands principes en la matière : consentement préalable, minimisation des données, limitation des finalités, principe de nécessité, principe de proportionnalité, privacy by design, privacy by default

 

Autant de principes en contradiction avec le fonctionnement et l’essence de l’AI et des robots qui en sont dotés, ainsi que ses cinq V : volume, variété, vélocité, véracité, valeur.

 

En France, la réflexion commence aussi, avec le plan relatif à la Stratégie nationale en intelligence artificielle, depuis le mois de février 2017 (France IA).

 

Le droit a encore du chemin à parcourir avant d’appréhender toute la complexité de l’intelligence artificielle.

 

 

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