Par Stéphane ASTIER, Paul BENELLI, avocats à la cour.
« Cliquez ici pour voir la mise à jour de cet article, en date du 31 Janvier 2016 : https://www.haas-avocats.com/droits-des-affaires/intermediaires-biens-divers-quel-est-limpact-loi-sapin-sur-controle-lamf/ »
Face à la baisse de rentabilité des produits d’épargne dits « traditionnels », de nombreuses sociétés ont dédié leur activité à la vente de produits d’investissement « atypiques ».
Diamants, métaux précieux, œuvres d’art, lettres anciennes, ou même hectares de forêt amazonienne… les possibilités ne manquent pas.
Ces nouvelles pratiques d’investissement, de par leur diversité et leur rendement particulièrement intéressant, impliquent toutefois de trier le bon grain de l’ivraie, qui plus est lorsque le canal choisi est internet.
En effet, la commercialisation de ce type de « produit » suppose de tenir compte non seulement de la législation générale applicable à toute activité e-commerce mais également d’une réglementation dédiée particulièrement drastique imposée par le Code des marchés financiers.
L’occasion d’un tour d’horizon à l’heure où l’Autorité des marchés financiers (AMF) procède à de nombreux contrôles sur un secteur en pleine ébullition.
1. Comment sont définis des « intermédiaires en biens divers » ?
Dès les années 1980, soucieux d’encadrer l’activité des intermédiaires proposant des opérations sur des produits d’investissement « atypiques », le législateur a introduit « le statut d’intermédiaire en biens divers » au sein du Code monétaire et financier.
Cette dénomination, pour le moins nébuleuse, était supposée concerner toute personne physique ou morale qui proposait des opérations sur des produits d’investissement « atypiques », nommés « biens divers », à défaut de terme plus précis.
Or, la définition de cette activité permettait de contourner assez facilement son régime, en raison d’un champ d’application trop limité[1].
C’est la raison pour laquelle l’AMF a rapidement alerté les épargnants[2][3] face à la multitude de scandales en la matière, concernant notamment des ventes « pyramidales ».
Mais ce n’est qu’avec la loi « Hamon » du 17 mars 2014, que le législateur est venu mieux encadrer ces activités, en complétant sensiblement l’article L.550-1 du Code monétaire et financier (L.550-1, II « CMF »)
Désormais, sont aussi considérés comme des intermédiaires en biens divers « toute personne qui propose à un ou plusieurs clients ou clients potentiels d’acquérir des droits sur un ou plusieurs biens en mettant en avant la possibilité d’un rendement financier direct ou indirect ou ayant un effet économique similaire. »
La catégorie d’intermédiaire en biens divers se trouve particulièrement élargie. Désormais, l’intermédiaire en biens divers n’est plus défini grâce à son activité, mais grâce aux modalités de commercialisation de ces produits.
[dt_banner bg_image= » » bg_color= » » bg_opacity= »100″ text_color= » » text_size= »normal » border_width= »1″ outer_padding= »10″ inner_padding= »10″ min_height= »150″ animation= »none » link= » » target_blank= »true »]Depuis mars 2014, communiquer sur la possibilité de rendement financier d’investissements « atypiques » attribue au professionnel le statut d’intermédiaire en biens divers, statut source de nombreuses obligations.[/dt_banner]
2. Obligations des intermédiaires en biens divers ?
Depuis la création du II de l’article L.550-1 du CMF, il existe deux régimes juridiques distincts qui régissent l’activité d’intermédiaire en biens divers :
A/ Un régime « normal », concernant toute personne qui, directement ou indirectement, (..) propose à titre habituel à un ou plusieurs clients (…) d’acquérir des droits sur des biens mobiliers ou immobiliers lorsque :
- les acquéreurs n’en assurent pas eux-mêmes la gestion ou
- lorsque le contrat leur offre une faculté de reprise ou d’échange et la revalorisation du capital investi ;
- ou recueille des fonds à cette fin ;
- ou est chargée de la gestion desdits biens.
Ce régime « normal », particulièrement lourd, implique notamment que la société soit constituée sous la forme d’une société anonyme avec un capital minimum associé, et respecte un principe de parfaite transparence de ses comptes qui doivent être annuellement certifiés…
B/ Un régime allégé, concernant la nouvelle catégorie d’intermédiaires créée par la Loi Hamon. Ce sont toutes personnes qui « proposent à un ou plusieurs clients ou clients potentiels d’acquérir des droits sur un ou plusieurs biens en mettant en avant la possibilité d’un rendement financier direct ou indirect ».
Ce régime « allégé », prévoit principalement à l’égard de ses assujettis un contrôle a posteriori des communications à caractère promotionnel (article L. 550-1 II du Code précité).
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3. Quels sont les risques liés à un éventuel contrôle de l’AMF ?
A/ Un risque de requalification
A l’occasion de ses contrôles, l’AMF peut considérer que l’activité du professionnel correspond au régime normal décrit au I de l’article L.550-1 du CMF. Il lui suffit pour cela d’observer que l’activité propose d’acquérir des droits sur des biens mobiliers, en offrant la revalorisation du capital investi, ou une faculté de reprise ou d’échange.
Dans une telle hypothèse, le bénéfice du régime allégé sera purement et simplement annulé, et l’activité toute entière soumise aux obligations drastiques du régime normal.
[dt_banner bg_image= » » bg_color= » » bg_opacity= »100″ text_color= » » text_size= »normal » border_width= »1″ outer_padding= »10″ inner_padding= »10″ min_height= »150″ animation= »none » link= » » target_blank= »true »]Ce risque de requalification est d’autant plus grand qu’au regard de la jurisprudence, une société peut être considérée comme relevant du régime normal même dans le cas de démarchage ou de gestion de fond indirects, par exemple lorsque ces opérations sont effectuées par l’intermédiaire d’un gestionnaire de patrimoine partenaire ou rémunéré au titre de l’apport d’affaires[5].[/dt_banner]
B/ Un risque de sanction non négligeable
a. Les intermédiaires relevant du régime normal(L.550-1, I CMF) sont passibles de sanctions pénales et de sanctions disciplinaires.
Les sanctions pénales, prévues à l’article L. 573-8 du même Code, peuvent aller jusqu’à 5 ans d’emprisonnement et 18.000 euros d’amende dès lors que les prescriptions des articles L. 550-3 à L.550-5 du CMF ne sont pas respectées (procédures de communication des documents commerciaux; communication du rapport de gestion et des livres de compte à l’AMF, désignation d’un Commissaire aux comptes…).
Les sanctions disciplinaires sont infligées directement par l’AMF, après un contrôle, conformément à la compétence que lui octroie l’article L.621-9 du CMF[6].
A ce titre, conformément à l’article L.621-15 du même code, la Commission peut, après une procédure contradictoire, sanctionner un intermédiaire au titre de tout manquement à ses obligations professionnelles, lesquelles peuvent découler de la loi, des règlements, ou même des règles professionnelles avalisées par l’AMF. Les sanctions applicables comprennent des sanctions de nature disciplinaire (blâme, avertissement, interdiction d’exercice), voire financière, puisqu’une sanction pécuniaire pouvant aller jusqu’à 100 millions d’euros peut être prononcée.
A titre d’illustration, il convient de rappeler que l’Autorité a prononcé des sanctions allant de 4.500 euros à 1 millions d’euros dans l’affaire Marble Art Invest (AMF Sanct. 7 Avr. 2014), considérant que la réglementation relative aux intermédiaires en bien divers s’appliquait à ce réseau de vente d’art contemporain mettant en avant une plus-value garantie d’au moins 4%.
b. Les personnes soumises au régime allégé sont, elles, exonérées des prescriptions particulièrement lourdes du régime « normal » mais demeurent soumises à un contrôle des communications commerciales (CGV, brochure, site internet…) par l’AMF. L’Autorité pourrait ainsi considérer ces publicités comme trompeuses en cas d’absence de transparence ou d’information insuffisante des clients sur les risques liés à ce type d’opération.
Or de telles pratiques, abordées à l’article L. 121-1 du Code de la consommation, sont sanctionnées par un emprisonnement de deux ans au plus et d’une amende de 300 000 euros, étant précisé que les personnes morales déclarées responsables pénalement encourent une amende de 1.500.000 euros ainsi que les peines complémentaires prévues aux 2° à 9° de l’article 131-39 du code pénal.
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Lancer ou participer à une activité d’intermédiaire en biens divers pour proposer des placements « atypiques » n’est donc pas neutre en termes de responsabilité.
Pour pallier à ces risques, les professionnels du droit vous accompagnent dans l’audit de cette catégorie spécifique d’activité, sa construction au regard des contraintes légales applicables et dans l’élaboration des différents documents nécessaires à son développement.
Vous souhaitez en savoir plus ? Nous contacter pour vous assister dans vos procédures de mise en conformité, ou pour vos démarches vis-à-vis de l’AMF ?
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[1] Ainsi, à partir de 2001, n’étaient concernées par la réglementation financière, que les personnes « qui, directement ou indirectement, par voie de publicité ou de démarchage, propose à titre habituel à des tiers de souscrire des rentes viagères ou d’acquérir des droits sur des biens mobiliers ou immobiliers lorsque les acquéreurs n’en n’assurent pas eux-mêmes la gestion ou lorsque le contrat offre une faculté de reprise ou d’échange et la revalorisation du capital investi ; 2. Toute personne qui recueille des fonds à cette fin ; 3. Toute personne chargée de la gestion desdits biens. »
[5] En effet, une des seules décisions en la matière (Dec. AMF 7 avril 2014) montre que lorsqu’un réseau se constitue autour de la vente de produits d’investissement, il existe un risque important que l’AMF ne fasse pas la distinction entre l’activité de chacun des éléments du réseau et considère que tous sont soumis au régime « normal » dès lors qu’une majorité d’entre eux assure une gestion autonome des produits d’investissement, et que d’autres profitent indirectement de cette gestion.
[6] « L’Autorité des marchés financiers veille également au respect des obligations professionnelles auxquelles sont astreintes, en vertu des dispositions législatives et réglementaires, les entités ou personnes suivantes ainsi que les personnes physiques placées sous leur autorité ou agissant pour leur compte : […] 8° Les intermédiaires en biens divers».