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Action en déchéance des droits sur la marque : pas si simple…

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A propos de Cass. Com. 3 mars 2015, Pourvoi n°13-22900

Par Laurent GOUTORBE, Avocat

L’arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de Cassation le 3 mars 2015 offre une illustration intéressante d’action en déchéance des droits d’un titulaire d’une marque pour défaut d’usage sérieux.

Dans cette affaire, la société L’Oréal, qui exploite un parfum sous la marque ARMANI PRIVE VETIVER BABYLONE depuis 2008, dépose une marque communautaire au mois de novembre 2009.
Persuadée que le titulaire de la marque française BABYLONE déposée et enregistrée en 1995 pour désigner différents produits cosmétiques et de parfumerie, la société L’Oréal assigne cette dernière devant le TGI de Paris le 8 décembre 2009 aux fins d’obtenir la déchéance de ses droits sur sa marque pour défaut d’usage sérieux.

Cette dernière demande alors reconventionnellement la condamnation de la société L’Oréal pour contrefaçon par imitation de sa marque antérieure BABYLONE.

La Cour d’appel de Paris, relevant que les pièces produites aux débats établissent que la vente des parfums Babylone a généré un chiffre d’affaires de 1994 à 2009 de près de 1 million d’euros et pour les parfums « Babylone Tower », un chiffre d’affaires de supérieur à 1 million d’euros de 2000 à 2009, considère que l’usage sérieux de la marque antérieure BABYLONE, y compris sous sa forme modifiée « Babylone Tower », n’en altérant pas le caractère distinctif, est démontré.

Elle déboute en conséquence la société L’Oréal de sa demande de déchéance et la condamne pour contrefaçon de marque par imitation au visa des articles L. 713-3 et L.716-1 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

L’arrêt est cassé par la Cour de Cassation qui considère qu’en se déterminant par de tels motifs (prise en compte des chiffres d’affaires générés par les ventes de produits de marque BABYLONE et « Babylone Tower » entre 1994 et 2009, la Cour d’appel de Paris n’a pas caractérisé un usage sérieux de la marque antérieure pendant une période ininterrompue de cinq ans antérieure au 8 décembre 2009, date à laquelle la déchéance a été demandée.

En effet, seuls les chiffres d’affaires générés par les ventes comprises entre le 8 décembre 2004 et le 8 décembre 2009 (période de 5 ans précédant l’assignation en déchéance) auraient dû être pris en compte pour déterminer si la marque BABYLONE avait fait l’objet d’un usage sérieux au cours des 5 dernières années au sens de l’article L. 714-5 du Code de la propriété intellectuelle.

En revanche, la Cour de cassation semble valider le fait que l’exploitation de la marque « Babylone Tower » puisse être prise en compte pour démontrer l’usage sérieux de la marque BABYLONE, faisant ainsi application de l’article L. 714-5 b) du Code de la propriété intellectuelle qui énonce qu’ « est assimilé à un tel usage l’usage de la marque sous une forme modifiée n’en altérant pas le caractère distinctif ». Pareillement cet usage peut être le fait d’un tiers agissant avec le consentement du titulaire de la marque.

La Cour d’appel de Paris devra donc se prononcer de nouveau sur la déchéance des droits du titulaire de la marque BABYLONE, sur la base des seules pièces versées aux débats relatives à la période du 8 décembre 2004 au 8 décembre 2009, étant précisé que toute reprise d’exploitation entreprise dans les 3 mois précédant l’assignation en déchéance et/ou toute mise en demeure préalable ne permettrait pas à son titulaire d’échapper à la déchéance.

En tout état de cause, cet arrêt rappelle que la déchéance des droits du titulaire d’une marque pour défaut d’usage sérieux ou pour tout autre motif se demande en justice et que tant que celle-ci n’est pas prononcée de manière définitive par une juridiction, le titulaire de la marque enregistrée jouit d’un titre de propriété industrielle lui conférant des droits opposables aux tiers.

L’absence d’usage sérieux présumée d’une marque antérieure est donc largement insuffisante pour sécuriser un dépôt de marque similaire postérieur. A bon entendeur…

#avocat

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