Revendiquer le droit d’auteur sur des photos banales mettant en valeur des bouquets de fleurs afin d’en restituer une image fidèle à l’acheteur est-il possible pour un site de ventes de fleurs ? En l’espèce, Aquarelle.com reprochait à son concurrent Réseau Fleuri d’avoir repris sur son site des photos représentant ses compositions les plus emblématiques afin de vendre quatre types de bouquets identiques aux siens.
Cette question a été tranchée par le jugement du 29 janvier 2016 du TGI de Paris qui a conclu que le site, dont certaines photos très similaires figuraient sur le site de son concurrent, ne pouvait pas revendiquer la protection de ces clichés par le droit d’auteur, faute d’originalité ni par la concurrence parasitaire.
- Le droit d’auteur exclu, faute d’originalité
L’article L.111-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que « l’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous ». Les dispositions de l’article L.112-1 de ce même code protègent par les droits d’auteur toutes les œuvres de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination, pourvu qu’elles soient des créations originales. Les magistrats ont donc dû trancher sur la présence ou l’absence d’originalité. L’originalité constitue donc une véritable clé pour actionner le droit d’auteur.
Notons que selon l’article L.112-2. 9° du code de la propriété intellectuelle, les œuvres photographiques sont considérées comme œuvres de l’esprit.
En outre, l’originalité de l’œuvre ressort notamment de partis pris esthétiques et de choix arbitraires qui lui donnent une physionomie propre de sorte qu’elle porte ainsi l’empreinte de la personnalité de son auteur.
Enfin, il appartient à celui qui invoque la protection au titre du droit d’auteur, d’établir et de caractériser l’originalité de l’œuvre.
Dans ce cas d’espèce, le choix du sujet (des bouquets de fleurs et des plantes très courantes chez les fleuristes) a été imposé au photographe tandis que les choix du cadre de la prise de vue et de l’éclairage ont obéi à des impératifs techniques justifiés par la nécessaire mise en valeur des produits aux fins de vente (fond blanc, absence de décor, fleur ou plante centrée).
Les photographies ont donc relevé d’une prestation technique de la part de l’artisan photographe plutôt que d’une œuvre esthétique de la part d’un artiste photographe.
- L’absence de parasitisme
Le tribunal a rejeté les demandes sur le fondement du parasitisme. En effet, le site n’a pas démontré la faute et n’a pas justifié d’investissements importants pour la réalisation de ces clichés permettant d’affirmer que son concurrent s’était immiscé dans son sillage afin d’en tirer profit, sans faire de dépenses.
Les conditions de la concurrence parasitaire ne sont donc pas remplies car comme le souligne le tribunal « elle doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce qui implique qu’un produit qui ne fait pas l’objet d’un droit de propriété intellectuelle puisse être librement copié sous certaines conditions tenant à l’absence de faute par la création d’un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle sur l’origine du produit, circonstance attentatoire à un exercice loyal et paisible du commerce ». Développant ce principe, les magistrats précisent que « la seule reprise de quatre photographies banales, dépourvues de composition, qui s’avèrent similaires, mais non identiques, à celles utilisées aussi par d’autres fleuristes, ne permet pas davantage de retenir un usage contraire à la libre concurrence économique ». La preuve d’investissements importants fondant une attitude parasitaire n’ayant pas été apportée, le risque de confusion pour le public n’ayant pas été démontré, les différentes demandes relatives à la concurrence parasitaire ont donc été rejetées.
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