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Le déséquilibre significatif dans les contrats informatiques

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Dans un avis retentissant du 23 février 2015 (Cf. Avis n°15-01), la Commission d’Examen des Pratiques commerciales (CEPC) a considéré que la mise en place dans un contrat informatique de clauses asymétriques de résiliation unilatérale et de clauses limitatives de responsabilité rédigées de manière trop large était de nature à caractériser un déséquilibre significatif au sens de l’article L.442-6 I 2° du Code de commerce.

La CEPC a été saisie dans une affaire opposant un entrepreneur individuel à une Agence Web proposant la réalisation de sites internet. En l’espèce, l’entrepreneur avait souhaité résilier le contrat de licence à durée déterminée qui le liait à l’Agence avant le lancement des prestations mais s’était vu opposer une clause contractuelle lui imposant de régler 2583 euros, soit 30% du montant total du contrat souscrit.

 

1/ Sur l’illicéité de l’indemnité de résiliation anticipée

Pour se prononcer en faveur de l’entrepreneur individuel et conclure à l’illicéité de la clause de résiliation anticipée prévue au contrat, la Commission s’appuie sur les observations suivantes:

Un rapport de force inégal entre les Parties : à l’instar des objectifs initiaux du législateur qui souhaitait protéger les fournisseurs contre les centrales d’achat de la grande distribution, la Commission relève un rapport de force en défaveur du Client en s’appuyant sur plusieurs constatations : le client est un entreprise individuelle qui a fait l’objet d’un démarchage, le contrat signé était un contrat d’adhésion comportant simplement des blancs à remplir sans qu’aucune modification n’ait été apportée, enfin l’agence Web en cause est une entreprise commerciale conséquente disposant d’une importante force commerciale ainsi que de la faculté de céder le contrat à une Société de location financière.

Des conditions contractuelles asymétriques : procédant à une analyse des conditions générales de l’Agence Web en cause, la CEPC constate que celles-ci prévoient la mise en place de mécanismes de sortie anticipée du contrat extrêmement restrictifs et contraignants pour le client tandis que l’Agence Web dispose, quant à elle, d’une multiplicité de possibilités pour rompre unilatéralement les relations de manière anticipée.

La CEPC considère ainsi que le déséquilibre dans le rapport de force entre les parties et le caractère asymétrique des conditions de sortie du contrat rendent ses dernières illicites au regard de l’article L. 442-6 I 2° du Code de commerce qui prévoit que :

« I.- Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : (…)

2° De soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ; (…) ».

 

2/ Sur l’illicéité des clauses exonératoires de responsabilité

Suivant la même logique la Commission constate également que le rapport de force manifestement déséquilibré entre les parties a également conduit le prestataire informatique à imposer des clauses exonératoires de responsabilité rompant avec l’équilibre général du contrat.

Profitant de sa position, le prestataire multiplie ainsi les causes d’exonération de responsabilité : l’inadaptation du site aux besoins du client, l’absence de mise en ligne du site, la livraison d’un site inadapté et non fonctionnel, ou encore la perte de données ou d’information.

C’est donc en toute logique que la Commission considère également ces clauses illicites car créant un déséquilibre significatif entre les parties au sens de l’article L. 442-6 précité.

 

Cet avis apparaît fondamental à plus d’un titre :

  • D’une part, en ce qu’il étend l’application de l’article L.442-6 – initialement prévu pour encadrer les pratiques de la grande distribution – à l’ensemble des relations commerciales.
  • D’autre part, en ce qu’il donne, s’agissant des contrats informatiques passés dans le cadre de vente dite « One Shot » une nouvelle arme aux artisans, professions libérales et autres entrepreneurs individuels victimes de ce que nous avons appelé par ailleurs le « Fléau du Net » (Cf. Article https://www.haas-avocats.com/ecommerce/victimes-de-vente-one-shot-que-faire-comprendre-les-mecanismes-dun-fleau-du-net-pour-mieux-le-combattre/)
  • Enfin, en ce qu’il anticipe une réforme attendue du droit général des contrats, réforme qui prévoit bien l’insertion d’un nouvel article 1169 introduisant la notion de déséquilibre significatif en ces termes : « une clause qui créée un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au contrat peut être supprimée par le juge à la demande du cocontractant au détriment duquel elle est stipulée. L’appréciation du déséquilibre ne porte ni sur la définition de l’objet du contrat ni sur l’adéquation du prix à la prestation. »

Si la protection de l’équilibre des contrats et des parties faibles apparaît globalement comme une bonne chose, force est d’admettre qu’il s’agit d’une nouvelle brèche dans les fondements même de notre droit et plus particulièrement du principe de consensualisme. Le déséquilibre significatif a-t-il vocation à devenir une « arme de destruction massive », source d’insécurité juridique dans les relations commerciales (Cf. sur ce point https://www.haas-avocats.com/actualite-juridique/rupture-de-relations-commerciales-la-delicate-question-du-preavis/) ?

Une chose est sure, rédiger un contrat –qu’il soit d’adhésion ou non – imposera de porter la plus grande attention à la jurisprudence et aux interprétations données par les juges concernant l’étendue de ce « déséquilibre significatif ».

 

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