Par Gérard HAAS, William O’RORKE et Enzo FALCONIERI
Plus de 750 000 euros ! C’est le montant des condamnations prononcées à l’encontre de la plateforme Heetch par le tribunal correctionnel de Paris ce jeudi 2 mars 2017. Par ce jugement, les magistrats ont rappelé aux entrepreneurs de la nouvelle économie le respect de l’ordre public. Au-delà, il doit les inciter à étudier la faisabilité et l’impact juridique de leur projet.
1/ Un montage juridique à risque
Créée en 2013 à Paris, la plateforme Heetch s’était jusqu’ici démarquée de ses concurrents en se définissant comme un service de covoiturage urbain nocturne. Ainsi, quand la plateforme UberPop était interdite par le préfet de Paris en juin 2015, Heetch a continué de fonctionner grâce à son statut iconoclaste.
La loi « Rebsamen » du 17 août 2015 encadre l’activité de Heetch de deux manières :
- D’une part en réservant l’activité de mise en relation de conducteur et de passager aux professionnels ;
- D’autre part, en définissant le covoiturage comme « l’utilisation en commun d’un véhicule par un conducteur et un ou plusieurs passagers, effectuée à titre non onéreux, excepté le partage des frais, dans le cadre d’un déplacement que le conducteur effectue pour son propre compte. »
Ainsi, Heetch échappe à la première en se plaçant sous la protection de la seconde. A ce titre, les conducteurs de la plateforme effectueraient leurs déplacements les soirs de weekend « pour leurs propre compte » et « à titre non onéreux ».
Force est de constater que cet argument n’a pas convaincu les juges.
2/ Un procès exemplaire
Les juges ont estimé que la plateforme Heetch ne respectait pas la législation en vigueur sur trois fondements :
- D’abord, Heetch est condamnée pour avoir « organisé un système illégal de mise en relation de clients avec des personnes se livrant au transport de personnes à titre onéreux»[1].
- Ensuite, Heetch a été reconnue complice de l’infraction d’exercice illégal de la profession de taxis[2]. En effet, la mise à disposition de plateforme aurait constitué une aide à la commission de l’infraction principale.
- Enfin, Heetch est l’auteur de pratiques commerciales trompeuses. Comme pour la condamnation d’UberPop en octobre 2014, il lui est reproché d’avoir fait passer son service pour licite auprès de ses clients et prestataires.
Le tribunal a, globalement, suivi la voie tracée par le ministère public en condamnant l’entreprise à :
- 200 000 euros d’amende, dont 150 000 euros avec sursis,
- 10 000 euros d’amende pour chacun des deux dirigeants,
- 441 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé aux taxis,
- 91 000 euros au titre des frais de justice.
A travers cette sanction, les juges ont visiblement souhaité rappeler que l’ubérisation ne saurait exonérer ses acteurs du respect des lois en vigueur.
3/ Principe d’innovation ou de précaution ?
Dans son dictionnaire des idées reçues, Flaubert définit l’innovation comme « toujours dangereuse. »
Les entrepreneurs innovants font toujours face à un dilemme entre le respect des cadres juridiques et économiques existants et la volonté d’aller de l’avant en créant un nouveau paradigme.
Juridiquement, les start-up débutent souvent leurs activités en « terres inconnues ».L’arrivée de ces pionniers contraint le législateur à modifier le cadre juridique. A ce titre, l’encadrement du régime juridique applicable aux plateformes de transport de personne est éloquent. En effet, pas moins de quatre Lois[3] ont été nécessaires pour aboutir au droit actuellement en vigueur.
Face à cette insécurité juridique, les entrepreneurs innovants peuvent mener en amont :
- une étude d’impact visant à tester le régime juridique applicable à l’activité ;
- une étude de faisabilité du projet permettant d’identifier les risques.
La condamnation de Heetch est exemplaire : elle rappelle aux plateformes que le non-respect des lois et de la concurrence est périlleux. Cependant, si le risque est inhérent à l’innovation, il peut être maitrisé par un accompagnement adapté et une démarche prudentielle.
Le droit des plateformes est en pleine construction. En effet, de par sa complexité, ses sources multiples, il est aujourd’hui source d’insécurité juridique pour les exploitants de ce type de plateformes.
C’est dans ce contexte que le Cabinet HAAS intervient auprès de ses clients : audit juridique de la plateforme, évaluation des points d’écarts et des risques d’exploitation, élaboration du cadre contractuel, etc. Autant de prestations participant non seulement à la sécurisation juridique de l’activité mais également au renforcement de la confiance des utilisateurs et des investisseurs.
Pour tout renseignement complémentaire, ou demande de devis, n’hésitez pas à contacter le Cabinet HAAS avocats.
[1] L3143-4 du code des transports punit ce délit de 2 ans de prison et de 300 000€ d’amende, quintuplé pour les personnes morales
[2] Prévu à l’article L 3224-4 du code des transports
[3]Loi « Thevenoud » en octobre 2014 ; « Rebsamen » en aout 2015 ; « Lemaire » en octobre 2016 et« Grandguillaume » en décembre 2016 pour l’instant.