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Cybersquattage : Nom de famille vs nom de domaine

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Par Alric Hurstel et Jean-Philippe SOUYRIS

Le 2 mars 2017, le Tribunal de Grande Instance de Paris a ordonné le transfert d’un nom de domaine qui reproduisait à l’identique les nom et prénom d’une personne au motif que le nom de domaine a été enregistré en violation de ses droits de la personnalité.

Les noms de domaine constituent la racine d’internet : leur système (DNS, pour Domain Name System) permet à la fois de localiser une ressource sur internet (via une adresse IP) mais aussi d’identifier le chemin pour y parvenir. Le nom de domaine remplace donc l’adresse IP, permettant d’utiliser une adresse facile à mémoriser et à identifier. Ce codage ne peut pas aboutir à deux chemins d’accès différents. Aussi, il est impossible d’arriver à deux sites différents avec la même adresse.

Un nom de domaine se compose de trois éléments :

  • Un préfixe technique
  • Un radical, le cœur du nom de domaine
  • Un suffixe, qui caractérise la situation géographique ou le secteur d’activité

Son attribution obéit à la règle du « premier arrivé, premier servi ». Celui qui dépose le nom de domaine en devient détenteur. Si un deuxième demandeur tente de réserver le même nom, sa demande sera en premier lieu rejetée même si elle peut être légitime.

Les bureaux d’enregistrement chargés de l’administration des noms de domaine ne vérifient pas en amont s’ils font l’objet d’une quelconque protection. L’augmentation de l’activité économique sur Internet fait du nom de domaine un signe distinctif incontournable de l’entreprise, véritable actif incorporel auquel une valeur économique peut être attachée. Ces deux facteurs ont conduit à l’augmentation du cybersquattage, comme en témoigne l’augmentation du nombre de plaintes déposées devant le Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI.

Le cybersquattage consiste à enregistrer de façon abusive un ou plusieurs noms de domaine correspondant à une marque ou à un nom de famille, sur lequel le déposant n’a aucun droit légitime, avec l’intention, par exemple, de se placer dans le sillage de sa notoriété ou de sa visibilité afin d’accaparer le public et/ou sa clientèle en ligne en les redirigeant vers ses sites, profitant ainsi pour son propre compte des efforts d’investissements du titulaire de la marque ou de la société.

L’article L45-6 du Code des postes et des communications dispose que « toute personne démontrant un intérêt à agir peut demander à l’office d’enregistrement compétent la suppression ou le transfert à son profit d’un nom de domaine lorsque le nom de domaine entre dans les cas prévus à l’article L45-2 ». Aussi, pour faire face à ces méthodes, l’AFNIC propose une procédure spécifique permettant la résolution des litiges concernant les noms de domaine pour toutes les extensions qu’elle gère. Cette procédure permet d’obtenir une décision de suppression ou de transmission d’un nom de domaine dans un délai de deux mois à compter du dépôt de la demande.

Les noms de domaine doivent respecter plusieurs conditions : être disponible, ne porter atteinte ni aux bonnes mœurs, ni à l’ordre public, ni aux droits des tiers. Concernant ce dernier cas de figure, le Tribunal de grande instance de Paris a récemment accédé à la demande d’une requérante qui assignait le titulaire d’un nom de domaine reprenant son nom et son prénom.

En l’espèce, la requérante a constaté l’enregistrement auprès de l’AFNIC d’un nom de domaine reprenant strictement son nom et son prénom, utilisé pour exploiter un site de vente en ligne de chaussures et accessoires non conforme à la réglementation en matière de commerce électronique (ne comportant ni conditions générales de vente, ni mentions légales ou adresse de contact) et donc potentiellement frauduleux.

Elle a alors mis en demeure la personne ayant procédé à l’enregistrement du nom de domaine de transférer le nom de domaine à son profit. Cette dernière expliquait qu’elle n’était pas la personne qui avait effectué l’enregistrement mais qu’elle avait elle aussi été victime d’une usurpation d’identité. Toutefois, constatant l’absence de démarche de cette dernière, pourtant seule habilitée à intervenir auprès de l’AFNIC, la requérante l’assigna devant le Tribunal de grande instance de Paris en vue d’obtenir le transfert du nom de domaine à son profit et voir cesser l’exploitation du site.

Les noms de domaine ayant une extension en « .fr » sont soumis à la loi du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle, règlementation qui a ensuite évolué suite à l’ordonnance du 12 mars 2014 relative à l’économie numérique. Désormais, « l’enregistrement ou le renouvellement des noms de domaine peut être refusé ou le nom de domaine supprimé lorsque le nom de domaine est (…) 2° susceptible de porter atteinte à des droits de propriété intellectuelle ou de la personnalité, sauf si le demandeur justifie d’un intérêt légitime et agit de bonne foi».

En 2000, dans une espèce similaire, le Tribunal de grande instance de Nanterre avait accédé à la demande d’une joueuse de tennis qui avait vu son nom enregistré comme nom de domaine, mais avec l’extension « .com ». Selon les juges, le nom patronymique est un droit de la personnalité faisant l’objet d’une protection et « permettant à son titulaire de le défendre contre toute appropriation indue de la part d’un tiers lorsque celui-ci, par l’utilisation qu’il en fait, cherche à tirer profit de la confusion qu’il crée dans l’esprit du public ». Cette position a par la suite été confirmée s’agissant des noms de domaine en « .fr ».

En l’espèce, contrairement aux jurisprudences précitées, la requérante ne jouissait pas d’une renommée particulière.

Néanmoins, les juges rappellent que « le nom patronymique d’une personne physique, même dépourvue de toute notoriété particulière, constitue un attribut de sa personnalité et celle-ci est en droit de s’opposer à toute utilisation à titre commercial de celui-ci par un tiers en cas de risque de confusion ou d’assimilation prouvé ».

Pour faire droit à sa demande de transfert, les juges ont notamment tenu compte du caractère peu commun du nom en cause et de la présence relativement importante de la requérante sur internet du fait de sa profession de responsable de communication.

Il existait bien un risque que la requérante soit considérée par les internautes comme responsable ou associée au site de vente en ligne qui au surplus présentait des manquements à la législation.

Cette condition se comprend dans la mesure où la protection du nom ne « se conçoit que dans la mesure où la personnalité est atteinte, donc en cas de risque de confusion ».

Si le principe du premier arrivé premier servi est la règle technique en matière de nom de domaine, il existe de nombreux moyens juridiques y faisant exception. Toutefois, le contentieux des noms de domaine n’en demeure pas moins particulièrement technique.

 

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